Pour un navigant, ne pas avoir de tenue propre pour remplacer un uniforme taché peut entraîner des conséquences inattendues. Suite de notre série Les petits bonheurs au travail.
Du matin jusqu’au soir, la perversité de l’univers avait atteint des sommets. Emilie courait sur ses talons pour ne pas arriver après la fermeture de son pressing. Deux vols aujourd’hui, deux uniformes gâchés. Spaghettis bolognaises avec le premier. Quant à ce qui était arrivé au deuxième, elle aimait autant l’oublier.
Il était déjà tard. Emilie voulut pousser la porte du pressing. Au même moment, les néons s'éteignaient. Fermé. M… de m… ! Elle toqua à la vitrine. Pas de réponse.
Mal, elle était mal ! Il lui fallait absolument récupérer son dernier uniforme propre. Trouver une solution. Elle recommença à tambouriner. Une voisine ouvrit sa fenêtre : "Essayez par derrière, ils habitent ici sur cour. C’est 5349 ", ajouta-t-elle en désignant la porte cochère.
Emilie fit le code et poussa la porte. Elle était prête à faire le siège du teinturier, à sourire à sa femme, à embrasser les enfants. Ou à prendre un en otage, s'il le fallait.
Elle traversa le hall, ressortit de l’autre côté, et arriva dans une ravissante cour ancienne, qui abritait un petit potager, des massifs de roses, des bosquets et des framboisiers, autour d’une fontaine. Elle remarqua le panneau « studio à vendre » au deuxième étage. Au troisième elle était arrivée chez le teinturier.
La porte s'ouvrit sur le patron du pressing ! La journée n’était pas complètement pourrie. Il comprit la situation, et ne rechigna pas à lui sauver la mise en redescendant avec elle à la boutique pour y chercher l’uniforme propre. Dans l’escalier, elle lui demanda s’il connaissait le propriétaire du studio. C’était lui…
Trois mois plus tard, Emilie pendait sa crémaillère avec ses copains navigants et ses voisins. Elle se dit que le bonheur qui doit tout à la bonne fortune était sans aucun doute le plus savoureux.