Babilou et ses 300 crèches emploient 4 000 personnes en France. Mais l’entreprise peine à recruter, sur fond de pénurie de main d’œuvre qualifiée, et d’exigences réglementaires et professionnelles drastiques. De quoi alimenter un turn-over élevé, qu’il faut combattre avec des politiques de formation et de fidélisation ambitieuses. Les explications de la DRH, Valérie Bossard.
Manager Attitude : Comment définiriez-vous vos principales missions de DRH chez Babilou (et non Baby Loup, nom pris par une crèche de Chanteloup Les Vignes (78) au cœur d’une controverse juridique actuellement, NDLR) ?
Valérie Bossard, DRH Babilou : L’entreprise a 12 ans, 300 crèches désormais sur tout le territoire, qui accueilent chacune de 10 à 60 enfants, ainsi que des activités de services associés à la parentalité. Au total, Babilou compte déjà 4 000 collaborateurs, dont la très grande majorité en CDI.
A la DRH, nous sommes 45. Et nous sommes confrontés à un véritable problème de recrutement. Car le nombre de personnes formées à nos métiers est insuffisant. Il y a une véritable pénurie de main d’œuvre professionnelle dans les spécialités qui nous concernent au premier chef, dont les puéricultrices, les éducateurs de jeunes enfants, les auxiliaires de puériculture et les CAP petite enfance. Le goulot d’étranglement se situe au niveau des écoles, qu’elles accueillent des étudiants post-bac ou pas.
D’autant que l’on devine des contraintes réglementaires importantes sur des métiers au contact de jeunes enfants ?
Valérie Bossard : Elles s’exercent dès l’ouverture d’une crèche, puisqu’elles sont validées par la PMI départementale concernée, sur la base minimum d’un décret qui fixe notamment le nombre d’adultes dans la crèche : Au moins un pour cinq enfants ne marchant pas, et un pour huit enfants qui marchent.
Cela peut paraître lourd mais nous allons bien au-delà en termes de qualité des services et donc des personnes que nous recrutons. C’est une politique affirmée de l’entreprise, et cela impacte aussi bien nos processus de recrutement que nos politiques de formation continue et de fidélisation de nos collaborateurs.
Il y a des hommes parmi vos effectifs ?
VB : Très peu. La profession est féminisée à 95%. Nous le voyons bien dans les 40 000 candidatures que nous recevons chaque année. Or nous n’en recrutons, au final que 3%, soit pour des CDI, soit pour des CDD de remplacement pendant les congés maternité de nos salariées. C’est vous dire notre degré d’exigence, et l’attention que nous prêtons au professionnalisme mais aussi au comportement du candidat.
Nos processus de recrutement impliquent d’ailleurs un représentant de notre direction de la petite enfance, qui a mission de coordonner les actions pédagogiques dans les crèches pour accompagner l’éveil des enfants, dans le respect des rythmes individuels. C’est une démarche très construite, qui nous permet de fédérer, sur des groupes d’une dizaine de crèches par secteur, les personnels, notamment les directrices d’établissement, autour de projets communs et ambitieux.
C’est important de donner des perspectives aux collaborateurs ?
VB : Toujours, et plus encore dans un métier impacté par le turn-over. Grâce à nos efforts, nous avons un taux de turnover de 12 points inférieur à la moyenne du secteur, mais il reste sans doute un taux de renouvellement incompressible : il y a des salariées qui ne reprennent pas le travail après la naissance de leurs enfants, d’autres qui se réorientent professionnellement. Certaines enfin qui suivent leur conjoint dans le cadre d’une mobilité professionnelle.
Nous ne pouvons pas empêcher ce mouvement naturel, mais au moins souhaitons-nous donner des perspectives à nos collaborateurs. C’est pourquoi, depuis trois ans, nous les interrogeons annuellement sur leurs souhaits de mobilité. Et nous leur garantissons une priorité sur des postes qui se libèrent dans les crèches à proximité de leurs lieux souhaités de résidence.
Le dynamisme du secteur a besoin du dynamisme de ses DRH, non ?
VB : Je pense que chaque secteur d’activités possède sa manière de voir et de vivre sa gestion des ressources humaines. Il est vrai que nous sommes sur un secteur porteur : songez qu’il manquerait 300 000 places de crèches en France aujourd’hui ! A titre personnel, le fait d’accompagner la croissance de Babilou, et d’avoir à construire une culture d’entreprise me convient parfaitement. Travailler sur l’humain, lui-même au service de l’humain, c’est passionnant.