La notion de temps choisi consiste à offrir aux entreprises la possibilité de prendre en compte les souhaits des salariés dans l’organisation des temps de travail. Mais pratiquer le temps choisi en garantissant l’équité reste un vrai défi. Entretien avec Lambert Rejany, directeur produit Planification, d’Horoquartz.
Manager Attitude : Quelle définition donnez-vous du temps choisi en entreprise ?
Lambert Rejany : Le temps choisi, c’est la prise en compte des souhaits des salariés en matière d’organisation des horaires de travail, dans la limite des obligations de service de l’entreprise. L’idée n’est pas récente, Michel Rocard l’avait déjà popularisée au début des années 1990. L’objectif est de trouver un bon équilibre, pour l’entreprise comme pour le salarié, entre performance, temps de travail et temps personnel.
Choisis tes horaire au mieux de tes souhaits et, en contrepartie, donnes-moi le meilleur de toi-même.
Quelle est la différence avec le temps partiel ou les horaires variables ?
Le temps partiel, c’est du temps choisi contractualisé, figé, sans variation. Les horaires variables sont une souplesse institutionnalisée et limitée à certaines plages, définie dans un accord d’entreprise. Le temps choisi va plus loin et intègre un ajustement « souple et conjoncturel » des horaires de travail : « Mon contrat est de faire 35h par semaine, si possible avec 2 soirs tard maxi et un matin tôt ». Ce temps est variable par définition, c’est-à-dire que le planning sera un habile dosage entre ce que souhaite le salarié et ce que nécessite le fonctionnement de l’entreprise.
Le temps choisi semble avant tout constituer un avantage pour le salarié, mais qu’en est-il pour l’entreprise ?
Le temps choisi est une manière de redonner du confort aux salariés. C’est une façon pour l’entreprise de les fidéliser en leur montrant qu’elle essaie de s’adapter à leurs souhaits de vie. C’est une façon également de gagner en efficacité, car plus de souplesse se traduit souvent par davantage d’implication.
Le temps choisi est-il compatible avec tous les secteurs d’activité ?
Il concerne surtout les entreprises qui fonctionnent avec des variations d’activité et des pointes de charge. L’arbitre du temps choisi, c’est la couverture de charge : a minima, l’entreprise doit pouvoir fonctionner au mieux, au-delà, elle peut faciliter la vie de ses salariés.
Dans l'industrie, peu de place pour le temps choisi
La flexibilité des horaires constitue déjà une réalité dans certains secteurs : dans la grande distribution, les services, les collectivités, les assurances. C’est beaucoup moins le cas dans l’industrie, où il y a une notion d’utilisation maximale de l’outil de production. Peu de place ici au temps choisi, c’est plus la notion d’équité qui va être privilégiée pour une juste répartition des postes et des horaires difficiles.
Une entreprise peut-elle, en même temps, pratiquer l’équité et le temps choisi ?
Les deux notions peuvent en effet vite se contredire dans la pratique car gérer le temps choisi implique des arbitrages. Certains créneaux risquent d’être fortement demandés. Il faut donc veiller, dans ce type d’approche, à garantir une forme d’équité pour conserver l’adhésion des salariés.
Dans quel contexte la MAIF, que vous suivez dans ce projet, a-t-elle mené son expérimentation du temps choisi ?
Il y a à la MAIF une approche intéressante de mise en place du temps choisi. Pour l’entreprise, l’équité se mesure sur des périodes longues, l’année par exemple. Cependant les salariés ont du mal à se projeter et à percevoir cette notion sur une durée aussi longue. Leur horizon de perception de l’équité et de la souplesse d’organisation des horaires est plutôt la semaine. La MAIF mène donc une expérimentation, en laissant beaucoup de liberté à ses sites quant à la méthodologie, afin de concilier ces deux horizons.
Quelles sont les leçons à tirer de cette expérimentation, et donc les conseils pour la mise en place d’une telle démarche ?
Ecoute et responsabilisation plutôt que recherche de compromis impossibles
Il faut bien sûr prendre en compte les souhaits des salariés, mais en en limitant le nombre. On ne peut satisfaire tous les souhaits et mieux vaut donner le sentiment d’une plus grande écoute et responsabilisation, sur certains critères, qu’essayer de trouver des compromis impossibles. Il faut également faire prendre conscience que l’entreprise doit assurer sa couverture de charge et que cette souplesse s’inscrit dans un cadre contraint. Enfin, il faut une vraie communication pour définir les règles du jeu et permettre à chacun de suivre ce qui a été mis en place.
Quels sont les écueils à éviter ?
Si les souhaits sont recueillis sans règle précise, comme une liste de cadeaux au Père Noël, il devient vite impossible de tout prendre en compte, ce qui génère rapidement des frustrations après avoir suscité de trop grandes attentes. Il vaut mieux commencer petit, et ajuster au fur et à mesure. Le temps choisi n’est pas dans la tradition des entreprises, il s’agit d’un changement important. Sa réussite implique une phase d’expérimentation par étapes limitées, réalistes et atteignables individuellement. En parallèle, la mise en place du temps choisi implique un style de management adapté, plus construit sur le dialogue que sur l’imposition.
Quels sont les facteurs clés de succès de la mise en place du temps choisi ?
Il faut des managers et des salariés–relais aptes à porter le projet, et dotés d’une réelle capacité à communiquer avec les équipes. Une cohérence totale entre management, DRH et Direction Générale est également indispensable.
Un conseil supplémentaire ?
Il me semble important de préciser, dès le démarrage, qu’il s’agit d’une expérimentation et qu’elle devra être adaptée à la culture spécifique de l’entreprise. La bonne solution pour la mise en place du temps choisi se dessinera dans le temps, après quelques retours d’expériences et ajustements.
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Lambert REJANY est diplômé en Sciences Economiques et diplômé de l’ICG (3ème cycle en marketing et commerce - Paris). Il débute sa carrière chez SAATCHI & SAATCHI à la direction des études business to business, puis participe à la création et exerce pendant près de 20 ans des responsabilités de Direction au sein d’IDEACTOR Business Communications, cabinet d’audit, conseil et conduite du changement auprès de grands comptes. Il enchaine 3 ans à la direction de projets Green Business auprès d’ENERGIE PERSPECTIVE, pour intégrer ensuite la Société HOROQUARTZ, en tant que Directeur Produit Planification.
Horoquartz a été créée en 1971 et emploie 380 personnes dans 18 agences en France. Elle équipe 5000 entreprises et administrations de tous domaines d’activité. Elle intervient en particulier sur :
- La gestion des temps: solutions de badgeage, gestion de la présence et des absences, interface paie, etc.
- La planification des effectifs: avec des spécialisations sur différents métiers (industrie, centres d’appel, distribution, restauration etc.). Le solutions sont utilisées pour construire des plannings fiables et intelligents.
- Le suivi des activités, qui consiste à analyser comment une activité est effectivement réalisé