Longtemps isolée fonctionnellement, la DRH a désormais droit de cité dans les comités de direction. Et a ainsi l’occasion d’interagir plus souvent avec les autres CxO. Virginie Loye, de la Cegos, porte un regard plutôt positif sur une nouvelle donne qui oblige à plus de coopération.
Manager Attitude : Vous occupez un poste privilégié pour observer les besoins de formation des DRH, et leurs relations avec les autres fonctions de l’entreprise. Que vous inspirent-ils ?
Virginie Loye, responsable formation RH, Cegos : Effectivement, nous voyons passer près de 6000 stagiaires par an en Ressources Humaines qui viennent à la fois au moment de leur accès à la fonction – dans le cadre de cycles certifiants – mais aussi, au fil du temps, pour se professionnaliser sur une thématique précise ou se tenir informés des évolutions de leur environnement juridique et social.
Globalement, la fonction RH a considérablement évolué au sein des organisations et est davantage intégrée dans la prise de décision stratégique, du fait d’un cadre législatif complexe et des évolutions technologiques, sociales et sociétales (arrivée des nouvelles générations au travail, montée des risques psychosociaux, RSE, etc.).
Une capacité d'influence encore très variable
Cependant, la fonction repose sur une gestion délicate des équilibres entre la recherche de la performance sociale et celle de la performance économique. La DRH est aussi dans un rythme différent de celui des directions opérationnelles. Elle agit plutôt sur le moyen voire le long terme – par exemple sur des thématiques comme la santé et la qualité de vie au travail – alors que les autres directions se situent dans le court terme, dans l’urgence du business.
Ainsi, si plus de 80% des DRH sont membres du Comité de Direction selon les dernières enquêtes de l’ANDRH, leur capacité d’influence reste encore variable dans les entreprises.
De quoi dépend-elle ?
Virginie Loye : Le DRH et le DG forment un binôme dont l’efficacité repose sur une convergence de vision quant aux valeurs et à la stratégie de l’entreprise ; mais également sur la capacité du DRH à faire entendre ses divergences – et celle du DG à les écouter.
Le DRH « poil à gratter » se révèle bien plus utile que celui qui acquiesce à tout sans challenger des prises de décisions et proposer des alternatives innovantes et réalistes, ce qui suppose de la créativité et une capacité de leadership pour faire adhérer aux projets.
Ces actions sont-elles toujours bien comprises des directions opérationnelles ?
Virginie Loye : Le DRH doit encore aujourd’hui composer avec la méfiance des autres directions sur sa fonction qui, par sa nature transverse, l’amène à poser un regard éventuellement critique sur leur fonctionnement managérial, à défendre les intérêts des collaborateurs ou à faire des propositions sur l’organisation du travail - qui a longtemps été le pré carré du manager.
L'indispensable connaissance des métiers et du business
Il y a cependant des évolutions qui vont dans le sens d’une collaboration renforcée. En effet, avec les transformations digitales qui s’opèrent, les directions opérationnelles sont confrontées à des mutations profondes des métiers : certains émergent, d’autres disparaissent, à un rythme toujours plus élevé. La RH peut les aider à anticiper des plans de développement des compétences, de recrutement, de mobilité interne, etc. Ceci demande une connaissance approfondie des métiers, du business, et la mise en place de démarches GPEC opérationnelles permettant d’accompagner les changements.
Et avec la direction financière, comment fonctionne la DRH ?
Virginie Loye : Les relations sont, par nature, difficiles car les logiques sont différentes, le mode de réflexion aussi. Néanmoins, dans un contexte économique tendu et concurrentiel, DRH et DAF sont de plus en plus amenés à travailler main dans la main. Au minimum, la DRH doit monter en compétence sur les logiques financières pour acquérir un langage commun et être en mesure de chiffrer ses plans d’actions et de mesurer le retour sur investissement des politiques mises en œuvre.
Peut-on faire un parallèle avec la DSI, qui devient également incontournable au comité de direction, avec la révolution numérique en cours ?
Virginie Loye : Oui, tout à fait, la DRH a de plus en plus d’interactions avec la DSI, au sujet du SIRH bien entendu, mais aussi sur l’utilisation et l’impact des nouvelles technologies sur les modes de travail et de communication.
Sur ce point, les visions peuvent également être opposées. Sur le télétravail par exemple, La DSI n’est pas toujours du côté de la DRH qui souhaite développer ce type d’organisation. Mais elle est dans son rôle quand elle fait valoir ses préoccupations techniques ou sécuritaires, de la même manière que la DRH lorsqu’elle alerte sur des risques juridiques sur un autre projet opérationnel…
De plus en plus de projets pluridisciplinaires
En réalité, les DRH sont de plus en plus amenés à travailler sur des projets pluridisciplinaires, avec des dimensions RH plus ou moins importantes. Du coup, le leadership du projet n’est plus une évidence. Cela encourage au dialogue et fait naitre des configurations fort différentes d’une entreprise à l’autre, pour gérer des problèmes équivalents. Par exemple, le leadership sur la transformation digitale de l’entreprise pourra être assumé par une DRH chez l’un, au nom de l’impact sur l’organisation du travail et l’évolution des profils métiers. Et par une DSI chez l’autre, ou une direction marketing ou communication, en fonction des enjeux majeurs… Ce qui suppose de muscler sa capacité à travailler en mode collaboratif !