La longue maladie, et les congés longue durée qui l'accompagnent, font partie de la vie, et donc de la vie de l’entreprise. C’est le crédo de Gérard Cussac, DRH de Nice-Matin, qui considère que le collaborateur sera d’autant plus fort pour affronter l’épreuve que ses managers auront su montrer de la compassion et préparer avec lui, sans ambiguïté, son retour. Une attitude payante, propre à démultiplier la motivation du salarié réintégré.
Manager Attitude : Dans votre poste de DRH, avez-vous eu souvent à gérer des congés maladie de longue durée, et le retour des salariés après ces absences prolongées ?
Gérard Cussac, DRH de Nice-Matin : En fonction depuis six ans et demi, et sur un effectif de 1300 salariés, j’ai rencontré ce cas de figure une quinzaine de fois. Je ne pense ici qu’aux situations liées à la maladie. Car les congés parentaux par exemple, qui durent également des mois, voire des années, ne se gèrent pas de la même façon, ni du côté de l’entreprise, ni du point de vue du collaborateur. L’absence est alors voulue, discutée en amont. Le cadre est posé, il y a de la sérénité. Et la date du retour peut largement être anticipée. Ce n’est pas le cas avec les congés pour maladie.
Manager Attitude : Pour quelles raisons ?
Gérard Cussac : Pour commencer il y a un effet de surprise, notamment pour le chef de service. Celui-ci n’est pas préparé, même quand il pourrait s’en douter, par exemple avec les congés maternité qui concernent tout de même assez fréquemment les jeunes femmes entre 25 et 35 ans ! Quant aux maladies comme le cancer, il n’y a qu’à regarder les statistiques, et les rapprocher de la pyramide des âges du service…
Nous avons, en France, un profond changement de mentalités à opérer, en nous inspirant peut-être de l’attitude de nos confrères anglo-saxons pour lesquels les maladies, et les absences, font partie de la vie.
Dans nos entreprises au contraire, il n’est pas exagéré de dire que pour de nombreux managers, l’absence longue durée d’un collaborateur est considérée souvent comme une atteinte personnelle, en tous cas un coup porté à l’organisation du service. Alors qu’il faudrait évidemment y voir d’abord un coup du sort pour le salarié, qui va devoir se battre pour guérir.
Manager Attitude : Comment fait-on, concrètement ?
Gérard Cussac : Ce n’est qu’une question de compassion et de bon sens. J’ai eu le cas dans mon service, il y a quelques années. L’expérience m’a confirmé que c’est dès le début que se prépare un retour réussi.
Manager Attitude : Que conseillez-vous ?
Gérard Cussac : Écouter la personne, lui montrer que l’on comprend sa situation et que celle-ci ne remet aucunement en cause nos relations professionnelles et la confiance qui existe entre nous. Ensuite, et très vite, la rassurer : lui garantir que son poste et son salaire seront conservés. Ce n’est vraiment pas la peine de rajouter du stress à une personne qui doit affronter des séances de radiothérapie ou de chimiothérapie.
Par la suite, je recommande d’organiser son absence, avec elle si possible. C’est-à-dire de faire participer le collaborateur à l’élaboration de la solution qui va être mise en place, par exemple le recrutement d’un CDD. Et, tout au long du congé maladie, de l’appeler régulièrement, à la fois pour prendre de ses nouvelles, mais aussi pour lui donner celles du service afin de bien lui montrer qu’il ou elle fait partie, sans ambiguïté possible, de l’entreprise. Evidemment, cela le valorise aussi.
Manager Attitude : Et lors de son retour, y a-t-il des précautions particulières à prendre ? Par exemple au travers d’un entretien dit de réintégration ?
Gérard Cussac : Bien sûr, cet entretien doit exister, pour formaliser ce retour et transmettre des informations essentielles sur la situation de l’entreprise et du service. Mais vous comprenez bien que si vous avez maintenu le lien tout au long du congé avec le collaborateur, celui-ci dispose déjà d’une bonne partie de ces informations.
Pour ma part, de façon symbolique, j’aime bien emmener la personne au restaurant, lors de son retour, avec tout le service. C’est une façon de lui montrer le plaisir que l’on éprouve à la retrouver. Et ce n’est pas rien, quand vous savez la fragilité psychologique dans laquelle il ou elle se trouve, à la fois vis-à-vis de son emploi et de l’évolution de sa maladie.
Le collaborateur de retour est d’ailleurs également fragile physiquement. Je pense important de lui proposer alors des solutions de temps partiel, afin d'assurer une montée en charge progressive. D’un côté, cela peut éviter les rechutes qui seraient dues à une reprise d’activité trop violente, de l’autre cela lui montre que l’entreprise et le service ont besoin de lui.
Manager Attitude : Cela peut paraitre paradoxal, voire immoral, mais l’entreprise a-t-elle quelque chose à gagner à se montrer bienveillante avec une personne en congé maladie longue durée ?
Gérard Cussac : La question mérite d’être posée et la réponse est claire selon moi : je crois qu’avec des gens sérieux, elle a tout à y gagner. J’ai toujours eu à me réjouir de la motivation des collaborateurs qui revenaient dans l’entreprise, si celle-ci les avaient bien traités. Et pourquoi ne le ferait-elle pas, avec des personnes frappées par le destin ?