Les orchestres d’entreprise avaient fleuri dans le Nord et dans l’est de la France à l’ère industrielle, et certains d'entre eux demeurent bien vivants. Ils pourraient revenir d'actualité. Car les points communs ne manquent pas entre un orchestre et une entreprise. Tous deux doivent réussir une performance collective en s’appuyant sur les talents individuels !
« Je suis convaincue que la musique a tout à apprendre à l’entreprise, et qu’elle y tiendra un rôle de plus en plus important », commence Caroline Guillaumin, directrice des ressources humaines et de la communication du groupe Société Générale. Pour elle, Playing for Philarmonie est même « le plus beau projet jamais mené. » Mais revenons d’abord à l’origine des orchestres d’entreprise.
Santé des ouvriers et prestige de l’uniforme
Courants dans les bassins miniers auprès de populations ouvrières, les orchestres d’entreprise sont pour la plupart nés à l’ère industrielle. « À cette époque l’alcoolisme était un fléau, explique Jean-Luc Leclercq, président du groupement des associations musicales de la RATP. Dans une démarche d’ordre paternaliste, les patrons ont cherché à éloigner les ouvriers de l’alcool, et c’est ainsi que sont nés les orchestres d’entreprise ». Le principe d’alors : rassembler les ouvriers au sein d’une activité musicale, un loisir collectif qui élève l’esprit de chacun, anime la vie de la société, et la fait rayonner en tant que mécène dans son bassin d’emploi.
Des formations nées à la fin du XIXème ou au début du XXème perdurent encore aujourd’hui. On peut ainsi citer l’Orchestre Harmonie Électricité Strasbourg (OHÉS), l’Orchestre National d’Harmonie des Cheminots de la SNCF, l’Orchestre des Mines de potasse d'Ensisheim, ou encore l’Harmonie du CE de la RATP.
Transformation en cours !
« Les temps changent, et l’orchestre n’a aujourd’hui plus le même rôle qu’à ses débuts », confie M. Leclercq. « Il est maintenant une formation prestigieuse qui rassemble essentiellement des diplômés des Conservatoires. Il a du mal à recruter car les cadres ont des contraintes d’emploi du temps, et l’entreprise n’offre plus la même souplesse d’aménagement d’horaires qu’à l’origine » déplore-t-il. Si les orchestres d’entreprise étaient initialement composés d’ouvriers, dont beaucoup y apprenaient la musique et la pratique d’un instrument, ils sont de nos jours davantage devenus des formations de grands amateurs, d’un niveau instrumental plus relevé.
Les initiatives musicales tendent à prendre des formes différentes de l’orchestre d’entreprise traditionnel.
Échanges et renouvellement
Ainsi, Playing for Philarmonie chez Société Générale, découle-t-il de motivations différentes. Emanant du mécénat musical de l’entreprise, ce projet rassemble depuis 2013, autour du chef d’orchestre François-Xavier Roth, les musiciens professionnels de l’Orchestre Les Siècles et des collaborateurs de la Banque, amateurs, instrumentistes ou choristes, pour un concert événement dans une salle prestigieuse (à la Philharmonie de Paris le 9 décembre 2018). « C’est un projet vivant qui s’enrichit des valeurs des musiciens professionnels qui nous accompagnent, valeurs qui sont celles que défend notre société » s’enthousiasme Caroline Guillaumin, directrice des ressources humaines et de la communication du groupe. « Ce projet transcende toute l’entreprise ». L’orchestre renaît différemment à chaque édition : « Nous tenons à ne pas en faire un orchestre d’entreprise au sens traditionnel. Nous savons que la magie opère notamment grâce à ce constant renouvellement, cette prise de risque qui crée la surprise à chaque fois ».
La participation à des chœurs offre un levier très efficace d’engagement. « Chaque année, nous renouvelons les choristes pour toucher un maximum de collaborateurs, en France et dans nos filiales. La sélection se base sur la motivation et l’envie de s’investir plus que sur les compétences musicales » précise Caroline Guillaumin.
La musique d’ensemble, un atelier de co-création
Dans une formation musicale, les compétences de tous s’harmonisent pour réussir. Il faut y écouter les autres sans se laisser distraire de sa propre partition. Respecter les nuances, appuyer quand il le faut, jouer piano au bon moment. Le chef d’orchestre donne le rythme, dirige, soutient, anime, au service de l’œuvre, de son compositeur, et de l’ensemble des exécutants.
Écoute active, envie de partager et de co-créer font surgir un son commun unique. Une vraie métaphore de la collaboration en entreprise… En témoigne Caroline Guillaumin : « la magie de la formation opère si bien que, à la surprise générale, le rendu global surpasse la valeur individuelle moyenne, et pourtant, nous avions dans la formation beaucoup de débutants » L’écoute, le respect, la communication, le travail, la créativité, l’humilité : autant de composantes essentielles pour une parfaite utilisation des compétences individuelles.
Entreprises et orchestres partagent cet état d’esprit, comme l’illustre l’Orchestre Harmonie Electricité Strasbourg (OHÉS) On sait que la réussite collective est au bout de l’effort. »
Pas de statut qui vaille
L’orchestre gomme la structure hiérarchique de l’entreprise ne compte plus que la collaboration musicale, fonction du talent, du niveau, et de l’envie de chacun. Une vertu confirmée dans Playing for Philharmonie : « Ce mélange de professionnels et d’amateurs crée une aventure collective qui se fonde sur l’entraide et efface tout effet de hiérarchie » témoigne Caroline Guillaumin « On voit ainsi un jeune collaborateur guider le directeur délégué. La seule chose importante, c'est la place de chacun dans l'orchestre, au service d'une même unité artistique. » Pas de statut face à la partition. Le seul chef, c’est le Chef !
Convivialité, détente et exigence
La pratique de la musique en amateur est à la fois un loisir – ne dit-on pas que l’on joue d’un instrument ? - Et une discipline. Permettre à ses collaborateurs d’exercer leur talent, leur curiosité ou leur envie musicale participe à leur bien-être, au même titre qu’une pratique sportive. Résultat : des collaborateurs plus détendus, impliqués dans l’entreprise, reconnaissants. « Parfois on n’a pas le temps de déjeuner, il faut aller répéter, mais on en sort transformés, on oublie le stress et les problèmes quotidiens. C’est plus que du bien-être, c’est du bonheur ! » s’enthousiasme à nouveau Caroline Guillaumin, elle-même choriste.
Ancrage territorial et rayonnement
L’orchestre participe au rayonnement culturel de l’entreprise. En témoigne l’Orchestre Harmonie Electricité Strasbourg : « Dans cette région alsacienne, caractérisée par une longue tradition d’amour de la musique, l’OHÉS fait plus que faciliter les relations entre l’entreprise et son environnement : l’orchestre est un véritable vecteur de la communication. » Chez Société Générale, Playing for Philharmonie a révélé un autre visage de l’entreprise à ses clients et partenaires : « On ne vous connaissait pas sous ce jour, nous ont dit des clients anglais », témoigne Caroline Guillaumin.
Fierté d’appartenance
« Outre la satisfaction purement musicale, on contribue aussi, d’une certaine manière, à la réussite de son entreprise » rappelle l’OHÉS sur son site. Via le projet orchestral, les collaborateurs se trouvent à porter les couleurs de leur société. « Il existe un très fort sentiment de reconnaissance envers l’entreprise parmi les musiciens, pour la possibilité qu’elle leur donne d’exercer leur passion » témoigne J.-L. Leclercq. Cette reconnaissance se traduit, notamment, par un absentéisme proche de zéro ».
7 bénéfices d’un orchestre d’entreprise
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