La Ministre du Travail a présenté les grandes lignes de la réforme de la formation professionnelle. Au menu, simplification du financement par les entreprises, accès favorisé aux nouvelles formes d’enseignement et accompagnement renforcé du salarié dans ses choix de formation. Mais l’entrepreneur semble encore oublié.
Début mars, en réponse à un rapport remis par les partenaires sociaux (syndicats patronaux et de salariés), Murielle Pénicaud a dévoilé les grandes directions que le gouvernement entend faire prendre à la formation professionnelle. Un sujet doublement important. D’abord par les montants en jeu : 32 milliards d’euros financés aujourd’hui par les employeurs (et les indépendants !) et décomposés entre la taxe sur la formation et la taxe d’apprentissage. Ensuite par les évolutions du marché du travail, qui nous amènent, tous, à envisager de changer plusieurs fois de poste donc de qualification dans une vie professionnelle, et pourquoi pas à monter notre propre entreprise !
S’il ne s’agit pour l’instant que des grandes lignes du projet, plusieurs d’entre elles méritent d’ores et déjà qu’on s’y arrête, en attendant les inévitables ajustements à venir lors des débats parlementaires et les négociations avec les partenaires sociaux.
- Financement simplifié: les entreprises n’auront plus à payer qu’une seule contribution, d’un montant équivalent à leurs obligations précédentes (1,23% de la masse salariale pour les moins de 10 salariés, 1,68% pour les autres). Cette taxe serait collectée désormais par les URSSAF
- Montant des contributions maintenu: c’est, pour l’instant, le message envoyé par le gouvernement
- Création d’un compte en euros: ce serait une des grandes nouveautés. Aujourd’hui, le salarié – ou l’indépendant – dispose d’un CPF (compte personnel de formation), abondé régulièrement par son employeur ou ses cotisations personnelles (RSI jusqu’à fin 2017). Les droits qu’ils accumulent sont ensuite convertis en heures de formation, selon des équations complexes aux mains des organismes de formation et pour tout dire, assez opaques. Désormais, les droits seraient exprimés en euros : 500 euros par an pour un salarié « qualifié », même travaillant à temps partiel, avec un plafond de 5000 euros, et 800 euros pour les personnels non qualifié.
- Plus de conseil aux salariés: en simplifiant le financement, le gouvernement espère libérer des budgets pour que les organismes (les fameux OPCA, organismes paritaires collecteurs agréés qui se chargent de valider les demandes de formation des bénéficiaires, ce qui leur prend aujourd’hui beaucoup de temps, puisse désormais en consacrer beaucoup plus à écouter les aspirations des candidats à évoluer. Et donc à les conseiller dans le choix de leurs cursus. Mais l’accent est quasi-exclusivement mis, dans la communication gouvernementale, sur les salariés. Rien ou presque sur l’accompagnement du créateur d’entreprise et de l’entrepreneur. Pourtant, ils cotisent aussi….
- Des formations plus numériques que jamais: la future loi entend donner une place grandissante aux MOOC, ces cours dispensés par des universités via internet, payants ou pas. Une façon efficace de limiter le temps passé par un salarié à se former. Et aussi pour l’entrepreneur, qui n’aura plus besoin de se déplacer pour suivre ces cours, qu’il pourra suivre de surcroît à n’importe quelle heure, en découpant les durées à sa guise.
- Créer des partenariats entre les grands comptes et leurs TPE/PME sous-traitantes: certainement inspiré de l’exemple allemand, où les donneurs d’ordre n’hésitent pas à accompagner leurs fournisseurs dans leur montée en puissance sur les nouvelles technologies, pour s’éviter des pénuries de compétences à venir, le Gouvernement évoque dans son projet la création de partenariats entre grands comptes et petites entreprises en France. Sans plus de précision, ce qui laisse craindre que cela reste un vœu pieu !
En résumé et en l’état, si le projet marque quelques avancées dont la TPE pourra se réjouir, concernant la simplification administrative et l’accompagnement de ses salariés, le reste de la loi ne change en rien l’ordinaire du petit entrepreneur concernant sa propre formation. Bien dommage, si l’on songe qu’un employeur bien formé et bien accompagné, est susceptible de faire beaucoup moins d’erreurs, à la fois sur la gestion de son entreprise et sur l’anticipation des évolutions de son métiers.
Formation de l’entrepreneur, les trois complexités à résoudre
La situation actuelle des entrepreneurs souhaitant se former professionnellement aujourd’hui n’est pas exempte de toute possibilités. Mais en pratique rares sont ceux qui accèdent à un cursus. Pour au moins trois raisons
- Complexité des droits acquis : savez-vous combien vous payez chaque année pour alimenter votre propre CPF et combien vous avez accumulé jusqu’ici ? Certainement pas. Et même si vous le savez, êtes-vous capables de traduire cette somme en droits à formation ? Encore moins.
- Complexité d’accès à la formation: déposer un dossier auprès d’un OPCA, obtenir le droit d’utiliser son CFP pour suivre la formation que vous avez identifié… C’est le parcours du combattant. Dans les grandes entreprises, la DRH décharge les salariés et les dirigeants de ce pensum. Mais pas dans la TPE…
Complexité opérationnelle : suivre un cours pendant trois jours, dans une ville éloignée de votre lieu d’implantation, aux heures où votre entreprise se bat pour satisfaire ses clients et en gagner de nouveaux. Impensable ou presque. De l’intérêt, en particulier pour le petit entrepreneur, de suivre des enseignements à distance.