Une association d’entrepreneurs tire le signal d’alarme. Confier aux – petites - entreprises le soin de prélever l’impôt à la source à partir de janvier 2019, va leur prendre du temps, et de l’énergie. Et leur rajouter une responsabilité juridique dont elles se passeraient bien. Même si les chiffres avancés semblent exagérés, la question mérite d’être débattue !
« Gérer les feuilles d’impôts, c’est pas mon boulot » : le slogan de l’U2P (Union des entreprises de proximité) a le mérite d’être clair. Ces petits patrons ne veulent pas avoir à s’occuper, l’année prochaine, du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu de leurs salariés. Trois arguments sont avancés :
- Une perte de temps: Le syndicat parle de 1h30 de travail supplémentaire par mois et par salarié pour traiter correctement le sujet sur sa fiche de paye. Soit une demi-semaine annuelle environ de travail en plus, non rémunéré évidemment, pour le patron.
- Une perte d’argent: Concernant les coûts, l’U2P évoque une dépense supplémentaire de 125 euros par an et par salarié (prestations de comptable, adaptation des logiciels, etc).
- Un risque juridique: L’organisation s’irrite des 250 euros d'amende prévue en cas d'erreur ou d'omission de déclaration, et de l’année d’emprisonnement plus les 15.000 euros d'amende en cas de divulgation, même involontaire, de données personnelles.
Autant les deux premiers griefs semblent surévalués – mais il faut bien frapper les esprits et, pour commencer, au portefeuille -, autant le dernier point apparaît effectivement très problématique. Pour rappel, il est déjà très coûteux pour un employeur de produire des bulletins de salaire erronés et le prélèvement à la source augmente en effet, mécaniquement, le risque d’erreurs en rajoutant des paramètres dans son édition.
Mais la question des données personnelles est encore plus sensible. Avec l’apparition du nouveau RGPD en ce mois de mai 2018, l’inquiétude croit chez tous les responsables d’entreprise, dès lors qu’ils ont à manipuler des fichiers contenant des données à caractère personnel (fichiers clients, fichiers du personnel par exemple). Et si les structures importantes ont pu prendre des mesures par anticipation – nomination d’un expert dédié à ces problématiques – ce n’est évidemment pas le cas dans les TPE. Dans lesquelles la corvée va tomber, une fois de plus, sur… le dirigeant.
L’action de lobbying lancée par l’U2P a donc le mérite de soulever des questions qui devront avoir des réponses, sinon économiques, au moins juridiques, d’ici janvier prochain. Un moratoire sur les erreurs constatées pendant les premiers mois de mise en œuvre serait sans doute le bienvenu. Après tout, ce gouvernement a maintes fois affirmé son souhait de faciliter la vie aux entreprises pour qu’elles puissent se consacrer pleinement à leur développement. Il serait bon qu’il n’oublie pas les plus petites d’entre elles !
Comment se mettre en règle avec le prélèvement à la source ?
Si vous réalisez vos bulletins vous-même, avec un logiciel de paie :
- Mise à jour de votre logiciel, en cochant au passage l’option assistance juridique proposé par un nombre croissant d’éditeurs
Si vous réalisez vos bulletins de paie à la main :
- Il est temps de sécuriser ce point, par exemple en souscrivant à une offre logiciel en mode Saas, pour quelques euros par mois. Si possible, choisissez là-encore une offre qui vous apporte un conseil dans le remplissage du bulletin.
Si vous travaillez déjà avec un cabinet d’experts-comptables pour vos éditions de bulletins de paye :
- La mise en place du recueil des données fiscales de vos salariés, leur intégration au calcul de la paie et l’édition du nouveau bulletin, leur incombent logiquement. Ils sont également à même de sécuriser les données personnelles de vos salariés – en particulier de faire le nécessaire pour que personne d’autre que le salarié lui-même, pas même l’employeur, n’ait la possibilité de connaître son taux d’imposition. Attention tout de même : le RGPD ne permet pas que vous vous déchargiez de toute responsabilité sur la protection des données à caractère personnel en votre possession, en confiant les traitements informatiques à un tiers. Il vous appartient de « juger » de la qualité de la protection mise en place par votre sous-traitant. Bien entendu, c’est rigoureusement impossible pour un non spécialiste. Il vous faudra donc une discussion approfondie sur ce point avec votre expert-comptable. Et lui faire confiance : mais après tout, c’est déjà le cas depuis de longues années non ?