Carine Afro, Responsable Marque Employeur et Marketing RH revient sur l'importance de l'expérience collaborateur, d'être à l'écoute de ses salariés et de les fidéliser. Son interview, menée par l'expert RH Gaël Chatelain-Berry, est à retrouver dans le livre blanc réalisé par Edenred France avec Gaël Chatelain-Berry, "L'entreprise à la carte" !
Gaël Chatelain-Berry : Comment résumeriez-vous votre métier de responsable marque employeur et marketing RH d'Edenred France ?
Carine Afro : Je m'adresse à deux cibles : les collaborateurs et les candidats. J'évolue autour de 3 axes majeurs : l'engagement des collaborateurs, l'attractivité des candidats et le rayonnement de l'entreprise.
G.C.B :J'ai l'impression, pour parler à beaucoup de dirigeants, dirigeantes et DRH, qu'il y a une sorte de mouvement de panique actuellement sur le recrutement, et qu'on en oublie un peu la fidélisation. Est-ce que dans votre action le recrutement et la fidélisation sont traités de manière équilibrée ?
C.A : Tout à fait, j'essaye d'avoir des actions des deux côtés. Auparavant, j’étais responsable de la communication interne, donc je travaillais vraiment pour les collaborateurs de l'entreprise. J'adore aller à leur rencontre pour les interviewer, raconter les belles histoires et les beaux témoignages. J'adresse cette même communication en externe aux candidats. On fait aussi des enquêtes pour écouter les collaborateurs. Je suis également garante de la qualité de vie au travail.
Au sein de la Direction des ressources humaines, une équipe traite d’ailleurs davantage de la santé et de la mission handicap, via des interventions de médecins sur des sujets de prévention.
G.C.B : Quelle serait votre définition d'une bonne expérience collaborateur ?
C.A : Je dirais que ça regroupe tout ce que les collaborateurs perçoivent, pensent, vivent, ressentent, dans les moments clés de leur parcours au sein de l'entreprise et dans leur quotidien.
G.C.B : J'ai un peu le sentiment que dans l'expérience collaborateur parfois on pense à des choses extrêmement complexes et j'entends assez peu de discours autour de la formation des managers. Un mauvais management a un impact fort sur la qualité de l’expérience collaborateur. Avez-vous une action sur ces questions-là ?
C.A : Nous avons vraiment cette volonté aujourd'hui de créer une communauté managériale forte. Nous accompagnons les managers via des supports, des outils, des formations, des webinaires.
G.C.B :Dans votre titre, il y a aussi ce fabuleux mot de “marque employeur”. Comment s'assure-t-on que l'image que l'entreprise donne soit en cohérence avec la réalité ?
C.A : Pour le vérifier, nous interrogeons les candidats. Nous utilisons aussi la plateforme Workelo qui nous permet d'accompagner le collaborateur dans son onboarding et son offboarding. Dans ce parcours, lorsque la personne arrive, elle reçoit différentes communications à J+1, M+4, M+6 et un an après. Nous posons plusieurs questions, notamment "Est-ce que l'image que vous avez perçue avant de rentrer dans l'entreprise est celle que vous retrouvez maintenant que vous faites partie de l'entreprise ?”, Comment résumeriez-vous notre marque employeur ?", "Adhérez-vous à nos valeurs ?", "Quelles sont les vôtres ?"…
G.C.B :J'ai l'impression qu'on donne de plus en plus la parole aux salariés…
C.A : L'expérience collaborateur justement, c'est être à l'écoute de ses salariés.
Il y a deux choses : les sonder et anticiper leurs besoins pour leur faire vivre une expérience des plus fluides, des plus mémorables possibles. En les sondant, on peut savoir ce dont ils ont besoin en termes d'outils de service et être au plus près de leurs attentes. On met de moins en moins en place des choses sans avoir obtenu en amont leurs impressions ou leurs souhaits.
G.C.B :Hyper intéressant. J'imagine que la pandémie a été un accélérateur incroyable pour vos fonctions. Vous devez faire partie de ces personnels RH qui ont été sur le pont depuis 2 ans de façon extrêmement intense, non ?
C.A : Oui. La marque employeur a bien sûr toujours existé chez Edenred, mais il n'y avait pas une personne consacrée à cette mission. En réalité, il y a vraiment de quoi en faire un véritable poste. Pendant la pandémie, les actions étaient davantage digitales, mais énormément de messages de communication ont été adressés aussi bien en interne qu'en externe.
G.C.B :Selon vous, l'expérience collaborateur est-elle aussi importante ou plus importante quand on est en télétravail ?
C.A : C'est une bonne question, je dirais que ça l'est tout autant.
Notre avions la chance d’avoir un accord de télétravail chez Edenred avant la pandémie. Nous l'avons donc retravaillé pour qu'il corresponde davantage au contexte actuel et convienne au plus grand nombre.
G.C.B :Vous faisiez partie des 16% des entreprises qui étaient en avance donc.
C.A : Oui, Nous avions 1 jour de télétravail. Nous avons été capables de délivrer très rapidement le matériel nécessaire pour que les personnes puissent télétravailler dans leur résidence principale ou même ailleurs. Nous avons mené des initiatives pour maintenir le lien, des réunions digitales avec notre direction, des jeux pour nos collaborateurs, des concours de dessins pour les enfants… Nous avons lancé des cours de sport en visio pour les collaborateurs et leurs enfants, traité de sujets autour du mental via des experts qui sont venus animer des workshops sur la gestion du stress, le sommeil et plein d'autres choses. Aujourd'hui, on équipe nos collaborateurs de matériel puisque nous avons la chance d'être le leader et le numéro un des avantages salariés chez Edenred. Nous proposons notre solution Télétravail Edenred à nos clients, mais également à nos collaborateurs.
G.C.B :Est-ce que vous pourriez décrire un petit peu plus cette solution ?
C.A : C’est une plateforme sur laquelle on retrouve du matériel de bureau, des écrans, des casques, des imprimantes, du mobilier… L'entreprise alloue un certain budget à ses collaborateurs, et bénéficie d’exonérations de charges sociales en deçà d’un certain plafond.
Le collaborateur peut choisir de s'équiper avec le matériel qu'il souhaite et le reçoit directement à son domicile.
G.C.B :La thématique du livre blanc est “L'entreprise à la carte”. Est-ce que vous constatez que les collaborateurs ou même les candidats, demande à être traités de façon individualisée ? Est-ce que la pandémie a été un accélérateur de cette demande d'entreprise “à la carte” ?
C.A : Oui je le pense vraiment. Quand on me dit “entreprise à la carte”, je pense flexibilité. J'ai la sensation que c'est ce que recherchent les collaborateurs. Flexibilité dans la façon de gérer son emploi du temps, dans la façon de travailler : on a envie de venir sur site pour vivre des moments collaboratifs, d’être chez soi pour traiter des sujets de fond, d’être un peu plus libre et ce à tous les échelons de l'entreprise. Oui, la crise est un énorme accélérateur de cette tendance. Je ne pense pas qu'on le vivrait de cette façon aujourd'hui s'il n'y avait pas eu la crise.
On a une quinzaine de sites Edenred en France et, quand je sonde les collaborateurs, je ressens bien que cette flexibilité est demandée partout. Cependant, certains postes ne peuvent pas être en télétravail, ils ne peuvent pas bénéficier d'autant de flexibilité et il ne faut pas oublier ces personnes-là. D’autres alternatives pourraient être proposées.
Ce qui est important c'est de penser au bien-être au travail de tout le monde et bien-être au travail ne passe pas forcément par le télétravail.
G.C.B: Pour revenir à “l'entreprise à la carte”, j'imagine que pour les RH il y a un défi absolument incroyable : on est passé de problématiques RH fonctionnelles à l’un des services les plus stratégiques de l'entreprise depuis la pandémie, vous le ressentez ?
C.A : Oui, nous sommes complétement stratégiques. Nous accompagnons la transformation digitale de l'entreprise, les nouvelles façons de travailler. Nous avons par exemple créé un espace chez nous de 500m2 dédié au coworking, brainstorming, et à la restauration, qui était auparavant notre ancienne cantine, pour favoriser le collaboratif, donner envie aux collaborateurs de s'y retrouver, partager de manière informelle, faire des réunions, des événements…
Au cœur de cette transformation, de ces nouvelles méthodes de travail, on doit être pionniers et proposer des choses.
G.C.B :C'est vrai que l'activité de votre entreprise, le produit d'Edenred, sert aussi à toutes ces choses-là donc vous êtes à plein d'égards acteur de ça. On parle beaucoup de la quête de sens, notamment depuis la pandémie. Est-ce que c'est un sujet que vous traitez ?
C.A : Le sens fait partie de l'expérience collaborateur. Donc c'est un sujet. On essaye de l'aborder dans des enquêtes qu'on adresse à nos collaborateurs puis de leur délivrer la meilleure expérience possible, encore une fois.
G.C.B : Par quoi cela peut-il concrètement passer ? Qu'est-ce qui va, au-delà de mon métier, de mon action au quotidien en tant que salarié, faire que je puisse dire à mon entourage que "moi, ma boîte, ça fait sens" ?
C.A : Nous proposons à nos collaborateurs de dédier du temps à des associations via une plateforme. Ils ont deux jours à consacrer à des causes associatives pendant leur temps de travail. Ils choisissent la thématique qu'ils souhaitent parmi nos champs de responsabilité.
G.C.B :Est-ce qu'il y a une question Carine que je ne vous ai pas posé que vous aimeriez que je vous pose ?
C.A :Dans le premier sondage [LinkedIn] que vous avez publié pour rédiger cet ouvrage, il y avait cette conception de concept fumeux de l'expérience collaborateur que j'ai trouvé tout à fait intéressant. On a parfois la sensation que l'expérience collaborateur est un concept très marketing. Pourtant, finalement, cette expérience collaborateur a toujours existé. Ce qui change, c'est qu’elle est devenue un élément de différenciation pour recruter, attirer et fidéliser les collaborateurs.