Par Stéphane Coviaux, Les Ateliers du Regard
L’aventure du cubisme a commencé en 1906 sous les pinceaux de Braque et de Picasso. La rencontre des arts primitifs africains et l’impact de l’exposition posthume de Cézanne ont constitué des éléments déterminants dans la genèse de ce style nouveau.
Roger Dutilleul en fut l’un des tout premiers collectionneurs. Grâce à lui, la collection du LaM offre un panorama très complet du cubisme et de ses conséquences dans l’art du XXème siècle.
S’éloigner des conventions
Depuis l’école de Pont Aven, autour de 1888, l’avant-garde des artistes avait pris ses distances avec les conventions de représentation héritées de la Renaissance. Braque et Picasso ouvrirent la peinture à de nouveaux territoires :
- en simplifiant et en fragmentant des formes,
- en multipliant les points de vue sur un objet figuré. Par exemple, dans un même tableau, l’objet était représenté simultanément vu de haut et de profil.
Ce nouveau mode de représentation fut qualifié de « cubiste » par le journaliste Louis Vauxcelles en 1908.
Constituer un fait pictural
Le public - et les artistes eux-mêmes - furent frappés par la distance que prenait le tableau avec la réalité extérieure. Mais comme l’écrivit Braque : « Il ne s’agit pas pour moi de reconstituer un fait anecdotique mais de constituer un fait pictural ».
Son témoignage dans les Cahiers d’art en 1935 est particulièrement éloquent à ce sujet :
« Mon éducation naturellement avait été faite « avec modèle ». J’avais appris à peindre d’après nature, et lorsque je fus persuadé qu’il fallait se libérer du modèle, ce ne fut pas du tout facile… Mais je m’y suis mis, et le détachement s’est fait par des poussées intuitives qui me séparaient de plus en plus du modèle. A des moments comme ça, on obéit à un impératif presqu’inconscient, on ne sait pas ce que cela peut donner, c’est l’aventure. »
Un mouvement fondateur
Entre 1907 et 1917, cette aventure a donné naissance aux différentes phases du cubisme : le cubisme cézannien, le cubisme analytique qui fut proche de l’abstraction, et enfin le cubisme synthétique qui permettait de mieux reconnaître le motif par l’introduction de lettres et d’indices. La première guerre mondiale sépara les deux fondateurs et mit un terme aux expérimentations les plus audacieuses. D’autres peintres poursuivirent dans cette voie pendant que les deux fondateurs entamaient un retour au classicisme.
Néanmoins, des traces de cubisme réapparaîtront régulièrement dans leur peinture tout au long de leur carrière, comme dans cette toile que nous sommes allés regarder au LaM.
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(illustration : Roger de la Fresnaye