Voici près de trois ans, l’ESN Atos a mis en place un accord de prévention des RPS au travail, visant notamment à préserver l’équilibre vie professionnelle et vie privée, et donc les temps de repos quotidiens. Le « droit à la déconnexion » est ensuite entré tout naturellement dans ce champ. Au-delà de l’auto-discipline que ce droit impose à tous, le Directeur des Affaires Sociales d’ATOS en France cherche à préserver aussi l’autonomie de ses collaborateurs et leur droit à s’organiser pour réaliser leurs objectifs.
« Chez Atos, tout est parti de la réflexion sur la prévention des risques psycho-sociaux, qui a donné naissance à un accord le 1er juillet 2014 » se souvient Pierre-Alain Coget, Directeur des Affaires Sociales de la huitième ESN mondiale, qui ne compte pas moins de 100 000 salariés. « Les échanges que nous avons eu alors nous ont amenés à réfléchir à l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle ». Avec des questions très concrètes à traiter. Par exemple, comment inciter le management à organiser des réunions à des heures raisonnables – ni trop tôt, ni trop tard ? Plus généralement, comment s’assurer du respect des repos quotidiens et hebdomadaires ? Ou encore, comment veiller à associer à ces réunions les salariés en télétravail – environ 20%, NDLR – et leur permettre d’y participer par call, ou par visioconférence ?
Une généralisation progressive du droit à la déconnexion
La réflexion s’est poursuivie avec un avenant à un accord de branche Syntec portant sur les salariés en forfait-jours. En date du 1er avril 2014, il a donné lieu à la conclusion d’un accord collectif Atos prenant effet le 15 janvier 2015, et qui intégrait le droit à la déconnexion pour les salariés en forfait-jours. Atos a étendu le 22 avril 2016 ce droit aux salariés Atos en forfait-jours relevant de la convention collective Métallurgie. Et désormais, précise le DAS, « avec la loi Travail, le droit à la déconnexion s’applique à l’ensemble des salariés en France quelle que soit leur modalité de temps de travail ».
Auto-discipline avant tout
Pour le DAS d’Atos, l’enjeu est finalement moins dans l’inscription de ces droits au sein d’un accord collectif que dans l’émergence d’une certaine auto-discipline, aussi bien côté managers que côté salariés. « Il est impossible, dans une entreprise internationale, de couper les serveurs la nuit… qui n’est pas la même pour tous ».
Côté managers, cela implique donc notamment la prohibition des questions tardives, des sollicitations pendant les week-ends et les vacances du salarié. D’ailleurs, un salarié qui ne répondrait pas à l’une de ces sollicitations, ne pourrait être sanctionné pour cela. D’où la recommandation d’insérer un message au début des courriels adressés à une heure inhabituelle, qui rappelle que celui-ci ne demande ni de prise de connaissance ni de réponse immédiate. Reste à savoir si ce sera aussi efficace que ceux qui nous incitent à ne pas imprimer inutilement nos mails ?
Autre tentative de formalisation, cette fois avec une messagerie bureautique. Mais il a finalement été impossible de planifier des messages de réponse signalant des absences temporaires systématisées, par exemple entre 21h et 6h du matin. « En revanche, nous pouvons sur notre messagerie interne ViaLink, signaler nos degrés de disponibilités à tout moment de la journée ».
La DRH doit veiller au respect des repos des salariés
Le DAS établit un lien fort entre ce débat sur la déconnexion et les enjeux liés aux temps de repos des salariés. Chez Atos, les repos quotidiens et hebdomadaires ont été respectivement portés de onze à treize heures et de 35 à 37 heures. Encore faut-il s’assurer qu’ils sont respectés alors même que les outils mis à la disposition des salariés par l’entreprise ont évolué et permettent une connexion à tout moment. « Ces outils peuvent être considérés à la fois comme instrument de liberté mais aussi comme un « fil à la patte », admet Pierre-Alain Coget. Or Atos tient à préserver la possibilité pour chacun de s’organiser comme il l’entend, en fonction des nécessités de service bien entendu mais aussi de sa vie privée. Ainsi, un salarié peut quitter le travail plus tôt le soir pour passer du temps en famille, quitte à se reconnecter par la suite. Le temps de repos quotidien de treize heures consécutives n’est alors pas forcément respecté ».
Afin de pouvoir détecter les situations anormales, les salariés en forfait-jours et les salariés dont le temps de travail est décompté en heures doivent saisir dans un outil respectivement leur amplitude horaire ou leur temps de travail effectif. Managers et RH peuvent alors se rapprocher des salariés n’ayant pas respecté leur repos quotidien à plusieurs reprises dans le mois, afin de savoir si ce non-respect est lié à leur organisation personnelle ou à une charge de travail trop importante.
Se déconnecter, au bureau aussi ?
« Il est encore trop tôt pour dresser un bilan de ces premiers mois de fonctionnement, d’autant que l’accord va être généralisé à tous les salariés courant 2017 ». Pierre-Alain Coget a tout de même eu le temps de se forger une opinion : « si le législateur demande aux entreprises d’aborder le droit à la déconnexion dans le cadre de la négociation, sans fixer plus de règle, c’est un élément positif. Il va toutefois être difficile de le concilier avec la libre organisation du travail de chacun, qui peut impliquer une reconnexion tardive et le respect du repos quotidien ».
Les prochains mois vont voir la discussion avec les organisations syndicales se concentrer sur la définition de bonnes pratiques, mais aussi la recherche des moyens d’un « travailler mieux ». Qui pourrait passer, pourquoi pas, par une extension de ces temps de déconnexion jusque pendant le temps de travail – en restant joignable néanmoins, afin de permettre aux salariés de se dédier mieux et pleinement à certains travaux dans la journée.