La cause est entendue – du moins en théorie ! : le bien-être au travail améliore la productivité des collaborateurs et stimule leur engagement. Mais comment connaître la situation, comment fixer l’objectif et comment mesurer les progrès ? La mise en place d’un baromètre du bien-être au travail peut apporter des réponses à ces questions. Principes, expertises et premières pistes pour avancer.
« L’amélioration du bien-être au travail est une contrepartie demandée par les salariés en échange de davantage d’engagement de leur part » considère Victor Waknine, Président Fondateur de Mozart Consulting. L’équation est simple : « Si les collaborateurs se sentent bien, ils redeviennent proactifs pour leur bien-être et celui de l’organisation. Le principe fondateur de la mise en place d’un baromètre, et du bonheur au travail, c’est de réengager les collaborateurs, par l’écoute et par l’action. Si (les actions) sont bien conduites, elles agiront sur les problématiques soulevées par les collaborateurs eux-mêmes » résume Iris Panissier, consultante sur la mesure du bonheur en entreprise pour la Fabrique Spinoza, think tank du bonheur citoyen. « Le moteur de notre démarche est avant tout éthique et humaniste, puis bien sûr vient la performance de l'organisation : c'est un élément différenciant clé pour nous, notre raison d’être. »
Un outil sincère pour des mesures suivies d’effets
Au-delà de la méthode adoptée pour construire le baromètre lui-même, c’est la manière dont il est abordé, mené et amené au sein de l’entreprise qui sera gage de sa réussite. Pour Victor Waknine, comme pour Iris Panissier, il est primordial d’accompagner la réalisation du baromètre d’une communication sincère construite autour des engagements de l’entreprise. Pourquoi réalise-t-on ce baromètre ? Que fera-t-on des résultats ? Quelle importance revêt, pour l’entreprise, la mesure du bien-être au travail ? Voilà les questions à se poser avant de s’atteler à la tâche.
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« Trop d’outils de ce type ont été réalisés sans aucun suivi ou conséquences visibles pour les collaborateurs » déplore Iris Panissier. « Le manque de suivi génère des déceptions et frustrations énormes, qui sont contreproductives et ruinent toutes les bonnes intentions et espoirs liés à la mise en place d’un baromètre » ajoute-t-elle. Victor Waknine abonde en ce sens : « au-delà de l’outil lui-même, il faut accompagner le baromètre d’une pédagogie : informer sur l’intention, sur les engagements de l’entreprise, sur un calendrier. Sans cela, on s’expose à une lassitude au mieux – les outils et sondages se suivent sans effets – et à une colère ou à une frustration au pire – démotivation à la clé, aggravant l’état de santé de l’entreprise ». Ainsi, précise Iris Panissier, « une étude publiée en 2009 (Hansez, Bertrand, & Barbier) a par exemple montré que sur 30 entreprises ayant réalisé une démarche d’évaluation du stress, une sur deux s’arrête à l’étape du diagnostic ».
Alors que « si au préalable on annonce ce que l’on fera des résultats, que l’on précise pourquoi on réalise ce baromètre, cela change la donne » rebondit Victor Waknine. « Il faut annoncer la méthode, mais aussi le calendrier, les étapes d’après. Sans cette perspective, le baromètre a l’effet d’un sondage, sans rien derrière. Il aura un effet boomerang, en aggravant le désengagement des collaborateurs par la déception engendrée. »
Un projet stratégique à soutenir au plus haut niveau
Victor Waknine lance une mise en garde : « attention à ne pas se lancer dans un baromètre du bien-être parce que c’est à la mode, que l’on veut apparaître dans un palmarès. » Si en termes d’image externe cela peut être bénéfique, c’est trop éphémère. Il faut réellement que les collaborateurs se sentent écoutés et entendus. Aborder la mesure du bien-être au travail comme un projet aussi stratégique que les autres : performance commerciale, transformation digitale, innovation, contrôle des coûts, etc., voilà ce que recommande Victor Waknine. « Comme tout projet important, il faut le piloter, le déployer, et, surtout, le soutenir au plus haut de l’entreprise (…). La direction doit porter le projet, même s’il est piloté par la direction RH. »
Waknine définit trois composantes au bien-être au travail, comme trois aspirations fortes qui construisent du sens :
- Se sentir utile - c’est valorisant et gratifiant,
- Se savoir compétent - c’est rassurant,
- Avoir un sentiment d’appartenance : une fierté qui reflète les efforts de l’entreprise sur les conditions de travail, la RSE, etc.
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Se préparer aux résultats
« Préparez-vous à des décalages de perception » prévient Iris Panissier. « Il faut être conscient qu’il peut y avoir une différence importante entre le diagnostic établi par le top management sur la situation de l’entreprise et la manière dont les collaborateurs la vivent ». « Il faut se préparer aux résultats : potentiellement ils ne seront pas agréables à recevoir – et anticiper ce que l’on en fera » confirme Victor Waknine.
Attention : « Le plus souvent, le baromètre est conçu de manière descendante : l’entreprise demande aux salariés comment elle se porte, omettant l’aspect symétrique qui consisterait en l’expression du salarié de ses demandes concernant la qualité de vie au travail ». Ecoute et dialogue sont de mise pour la réussite du projet. Ainsi, l’approche se doit de mêler le quantitatif et le qualitatif, par un recueil à la fois déclaratif et objectif des données. Pour être complète, la démarche s’attachera à recueillir la perception des collaborateurs, des données sociales objectives et quantifiables, et s’enrichira de discussions et entretiens pour contextualiser les résultats.
S’appuyer sur ses forces
Pour Iris Panissier, il est important d’aborder l’amélioration de la QVT, à travers le baromètre, d’une manière constructive et positive, à l’image de la philosophie de la Fabrique Spinoza : « il nous semble essentiel d’accompagner la transformation en valorisant, d’abord, les forces de l’organisation. Capitaliser sur le positif pour changer le négatif. Ce focus sur ce qui va bien, c’est vraiment notre méthode de travail. Elle donne une impulsion positive, elle insuffle une dynamique collective et agit positivement sur le désengagement ».
Mesurer aussi le mal-être
Et si, pour avoir une image juste du bien-être de ses salariés, il fallait également avoir une évaluation objective des indices de leurs potentiels mal-être ? C’est ce que préconise Mozart Consulting. « Un baromètre du bien-être nous semble incomplet et assez partiel, voire même inutile, s’il n’est pas accompagné d’un indice du mal-être. L’efficacité du baromètre sera augmentée s’il s’accompagne d’une mesure objective des indicateurs de mal-être au travail (absentéisme, accidents, maladies, licenciements individuels...) » résume Victor Waknine. En somme, « c’est par la différence des deux outils que l’on tirera les meilleures pistes d’action ». Une manière de net promoter score, cette fois à usage interne.
Se comparer à son secteur
Si un baromètre apporte la vision du chemin parcouru et de celui qui reste à parcourir, seule la comparaison peut permettre d’évaluer complètement sa performance.
Mozart Consulting édite chaque année un indice national du bien-être au travail, appelé Ibet, qui évalue à partir des données nationales le taux d'absentéisme, le nombre de licenciements non économiques ou encore le nombre de journées non travaillées. Cet aperçu permet à chaque entreprise de se positionner. Reste ensuite à réaliser son propre baromètre et à mettre en œuvre ses propres actions.
« L’entreprise doit tenir compte de ses objectifs, mais aussi de son histoire et de sa culture » rappelle Iris Panissier. « A la Fabrique Spinoza, nous pensons que le baromètre doit s’adapter à chaque structure, et non pas la structure à un outil tout fait ». C’est pourquoi la Fabrique propose de concevoir un outil sur mesure, mais aussi accompagner l’entreprise sur le choix de l’outil parmi ceux qui existent déjà. « Nous ne sommes pas dans une dynamique de concurrence, mais davantage dans une démarche de co-opétition. Plus on est à agir dans le même sens, plus on maximise les chances de changement » ajoute la consultante.
Enfin, le baromètre peut être épaulé par des outils de mesure utilisés plus régulièrement, pour sonder, à la semaine ou au mois par exemple, l’humeur des collaborateurs, et pouvoir ainsi réaliser en continu des ajustements fins. On peut par exemple pour regarder ce que propose Wittyfit, une plateforme innovante qui mesure le bien-être au travail en temps réel.
Un baromètre ne sera réussi que s’il offre un panorama complet, qu’il permet d’écouter, de collecter les perceptions et d’obtenir une mesure objective. Plus que tout ce sont les décisions et les actions qui découleront de son observation qui assureront son succès pérenne.
Deux questions préalables à la mise en place d’un baromètre du bien-être au travail : - Pourquoi : que vais-je faire des résultats de mon questionnement sur le bien-être en entreprise ? - Comment : faut-il faire appel à des consultants externes ? Ou d’abord s’appuyer sur les ressources internes ? Quoi qu’il en soit, l’objectif est d’en faire un vrai projet stratégique. |