« Les enfants nés en 2017 ne conduiront plus de voitures », affirme Henrik Christensen, chercheur à San Diego (Etats-Unis). Face à l’évolution des véhicules toujours plus autonomes, et des mentalités toujours plus tournées vers l’usage au détriment de la propriété, il n’est pas trop tôt pour s’interroger. Quelle direction les entreprises vont-elles devoir donner à leur politique de mobilité ?
Millenials et automobile : la marche arrière
Les nouvelles générations montrent un intérêt très relatif à l’égard de la voiture, du moins en tant qu’objet statutaire à posséder. Là où leurs parents voyaient un symbole de liberté, les trentenaires et leurs cadets voient plutôt un mal nécessaire, qui leur impose de devoir supporter les encombrements - et le paiement d’assurances ou de parkings particulièrement onéreux en centre ville. Sans compter une image de l’automobile qui se dégrade progressivement : polluante, couteuse, voire égoïste (cf. les débats parisiens sur le partage de l’espace public avec les autres moyens de locomotion ou les reproches faits aux conducteurs seuls dans leurs voitures les jours de pollution).
Plusieurs enquêtes et notamment celle du Forum Vies Mobiles (sponsorisé par la SNCF), menée à Lyon et Grenoble, confirment la tendance en chiffres :
- Moins de permis de conduire : recul de 9% des permis de conduire passés par les 18-30 ans entre 1993 et 2015
- Baisse des déplacements en voiture : - 30% chez les 18-34 ans à Lyon entre 1995 et 2006,
- Age moyen d’un acheteur de véhicule neuf : 55,3 ans en 2015 contre 47,3% en 1991 (enquête NCBS). Les moins de 35 ans représentent seulement 11% de ces achats et les 36-45 ans,15%
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Des initiatives pour changer la donne
Certaines entreprises ont pris conscience du phénomène et s’interrogent : l’avantage en nature que représentait jusqu’à présent le véhicule de fonction ne perd-il pas son sens historique ? Mais aussi, et puisqu’il faut bien que ces jeunes générations se déplacent pour leur travail, comment leur proposer une alternative adaptée à la fois à leurs besoins professionnels et à leur regard nouveau sur la mobilité ? Comme souvent, l’innovation est le fait d’entreprises opérant sur des marchés tendus en matière de recrutement, contraintes d’innover pour fidéliser leurs jeunes cadres à potentiel. Et les initiatives ne manquent pas, en voici quatre exemples:
- Mises en place de flottes en auto-partage: le modèle Autolib, intégré dans l’entreprise, permet de proposer un service de qualité (propreté des véhicules, maintenance régulière, système de réservation entièrement dématérialisé). L’employeur peut aussi jouer la carte des véhicules haut de gamme et électriques, afin d’augmenter le plaisir de conduite et d’envoyer un signe positif sur sa politique environnementale. Le surcoût serait compensé par le soin que les collaborateurs prennent du véhicule.
- Mise en place de systèmes de co-voiturage: afin de limiter les coûts de déplacement entre le domicile et le bureau, des entreprises organisent le partage des trajets entre collègues habitant à proximité, voire entre collaborateurs d’entreprises habitant sur la même zone. A noter l’initiative d’une société qui va jusqu’à « rémunérer » le temps de trajet supplémentaire de celui qui se détourne de sa route pour aller chercher un collègue.
- Support des moyens de locomotions alternatifs: le trajet en vélo, avec ou sans assistance électrique, est désormais éligible à un remboursement de frais kilométriques. Il est donc logique d’installer des zones pour que les collaborateurs qui le souhaitent puissent garer leur engin, et en toute sécurité. L’entreprise peut également souscrire à un service de « vélo-partage », intégrant la mise à disposition du véhicule mais aussi sa surveillance et son entretien. Concernant les trottinettes et autres longboards électriques, elle aura aussi intérêt à réglementer leur montée dans les bureaux pendant la journée de travail, à fins de recharge de la batterie et de sécurisation contre les vols.
- Forfaits, budgets ou cartes mobilité : au delà de l’appellation, le principe reste le même. Après concertation sur les besoins de mobilité d’un collaborateur (domicile/bureau et déplacements dans la journée), une enveloppe mobilité est mise à sa disposition, dans laquelle il va pouvoir puiser pour effectuer ses kilomètres, avec une prime accordée aux transports propres, sous la forme d’un coût au kilomètre moins élevé. En fin d’année le solde de son budget peut être converti, y compris en location courte durée d’un véhicule pour une utilisation familiale.
Un nouveau métier : le mobility manager
On le voit ici, l’offre de mobilité en entreprise évolue pour tenir compte des nouvelles attentes des collaborateurs. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si, aux côtés et souvent au dessus hiérarchiquement du gestionnaire de flotte automobile traditionnel, des postes de mobility manager font leur apparition.
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Ces professionnels seront certainement aux premières loges, dans les mois qui viennent, pour établir le plan de déplacement d’entreprise - PDE, qui devient obligatoire à compter du 1er janvier 2018 pour toutes les sociétés employant plus de 100 salariés sur un même site. Une occasion en or de se concerter avec les collaborateurs – de tous âges – pour s’enquérir de leurs besoins, de leurs désirs et d’inventer la mobilité d’entreprise de demain.
Photo : Alphabet