Comment vivaient, et comment déjeunaient les cow-boys dans le Grand Ouest américain ? L’historien Yohann Chanoir nous plonge dans le quotidien de leur travail et nous propose pour finir une recette d’époque, facile à réaliser aujourd’hui.
Go West, young man !
Au XIXe siècle, la société cow-boy est un monde d’hommes, qui attire aussi bien des Américains que des Européens ou des Mexicains. Si on ne naît pas cow-boy, on le devient pour des raisons très variées : embrasser une vie aventureuse, quitter une société où le champ des possibles est trop restreint, accumuler un capital… La mission première consiste à convoyer des troupeaux immenses, depuis leurs zones d’élevage jusqu’aux espaces d’abattage et de consommation.
La demande est forte, et le marché porteur. L’immigration croissante et l’urbanisation qui l’accompagne, la demande soutenue des villes en traction animale, imposent de fournir des milliers de chevaux et de bœufs. Très rapidement, la filière se rationalise. Abilene devient en 1867 un nœud ferroviaire chargé de redistribuer le bétail venu de l’Ouest vers les centres urbains de l’Est. Si les parcours sont de fait raccourcis, ils restent à l’échelle du continent américain : en 1886, trois mois sont encore nécessaires pour aller chercher un troupeau de juments au Colorado et le convoyer jusqu’au Dakota du sud.
Un métier exigeant
Après avoir rassemblé les bêtes dispersées sur de vastes étendues, le cow-boy entreprend la transhumance. Les distances quotidiennes sont de l’ordre de 20 à 40 kilomètres ; le convoyage réclame une attention constante pour éviter que le troupeau ne s’affole, ne se disperse ou ne s’étire. Plus que des Indiens, les dangers viennent d’abord de la topographie et, surtout, de la météo ! Orages, coups de vent, cours d’eau à traverser et chutes brutales de températures forment le quotidien professionnel du vacher. A l’étape, il faut encore dresser les tentes, ramasser du bois pour le feu, assumer des tours de garde et se méfier des animaux sauvages.
Le travail se spécialise. La conduite du troupeau est assurée par le boss, assisté de ses pointeurs(scouts) qui balisent l’itinéraire en recherchant le trajet optimal. Les flancs-gardes, postes réservés aux moins expérimentés, sont chargés de ramener les bêtes perdues. Le salaire est peu élevé (1 dollar par jour) et l’activité reste saisonnière : entre novembre et mars, le cow-boy doit s’engager dans un ranch, ou exercer des missions ponctuelles. Dans cet univers rude et concurrentiel, certains parviennent à dérouler un riche parcours professionnel. Le Français Raymond Auzias-Turenne, émigré aux États-Unis en 1885 comme cow-boy, deviendra propriétaire de haras, puis banquier et entrepreneur à Seattle.
L’origine du food-truck !
La durée des transhumances, les ressources alimentaires locales limitées au gibier et aux produits d’une agriculture de subsistance peu productive, imposent une logistique des repas efficace. Chaque convoi dispose d’un « Food Truck » qui transporte la nourriture, le cuisinier, ses gamelles et ses fourneaux. Réponse pratique à la mobilité du cow-boy et au manque d’offre de restauration des espaces traversés, ce wagon permet aussi d’éviter les villes et les bourgs, où les distractions présentes (saloons, maisons de tolérance…) risqueraient de distraire les convoyeurs de leur mission. Le cuisinier représente ainsi une figure essentielle du monde des cow-boys. Mais, malgré ses efforts, le régime alimentaire reste monotone et peu goûteux. L’ordinaire se compose de café, de bacon, de haricots et de biscuits. De temps en temps, cette monotonie est rompue grâce à la chasse, ou un bœuf blessé qu’il a fallu abattre.
Naissance d'un mythe
Les années 1890 voient survenir des grandes transformations. Dans les villes, l’électricité remplace la traction animale. Le chemin de fer désenclave le territoire et abolit les distances : on passe ainsi d’un mois pour relier Montréal à Chicago en 1885 à seulement dix jours en 1889. L’ouverture de nombreux États à l’immigration entraîne l’arrivée de nouveaux colons. Ces fermiers ceinturent leurs terres avec du fil de fer barbelé, rendant problématique les longues transhumances. L’élevage se concentre alors dans quelques espaces (Wyoming, Dakota, Montana…), réduisant le nombre des cow-boys et les transformant en salariés sédentaires. Au début du XXesiècle, ils deviennent toutefois des figures archétypales de la société américaine. Le cow-boy incarne des compétences essentielles : la prise de risque, le pragmatisme, ou le sens de l’équipe.
Une recette de cow-boys : les haricots au lard
Découvrez un des plats typiques des cow-boys. Pour 2 personnes, il faut prévoir :
- 300 grammes de haricots Pinto,
- 150 grammes de lard maigre,
- 50 grammes de lard fumé,
- un demi-oignon ou un oignon entier, selon les goûts,
- une tomate,
- une pincée de sucre.
Après avoir lavé les haricots secs, laissez-les tremper toute la nuit. Le lendemain, découpez le lard en morceaux, hachez la tomate et émincez l’oignon. Dans un faitout, faites revenir les morceaux de lard avec l’oignon. Dès que l’oignon est translucide et que les lardons sont saisis, ajoutez dans le faitout la tomate, et les haricots préalablement rincés. Puis, recouvrez le tout d’eau. Tenez au feu une vingtaine de minutes, le temps que l’eau disparaisse. Servez chaud… et partez à la conquête de l’Ouest !
Yohann Chanoi