Plusieurs candidats à l’élection présidentielle évoquent des hausses possibles de la TVA dans leurs programmes. Avec quelles conséquences sur les prix facturés ? Et pour la consommation donc pour l’économie ? L’occasion de revenir sur le rôle de cet impôt fondamental pour le budget de l’Etat et donc, pour la vie des entreprises.
Dans à peine deux mois, le prochain Président de la République aura sur son bureau l’épineux dossier de l’augmentation éventuelle de la TVA, ou plutôt des TVA puisqu’il existe trois taux distincts (actuellement à 5,5, 10 et 20%). Deux candidats (François Fillon et Emmanuel Macron) au moins ont évoqué des hausses possibles de la TVA, afin de financer des baisses de cotisations sociales sur les salaires. Il faut d’ailleurs rappeler que la dernière hausse de TVA (le taux intermédiaire passant de 7 à 10%, et le taux normal de 19,6 à 20%) avait pour objectif, début 2014, de financer un dispositif d’aide aux entreprises, le CICE et de baisse des cotisations sociales.
Comment anticiper une hausse de la TVA ?
- Acheter par anticipation des produits ou prestations sur lesquels vous ne pouvez pas récupérer totalement la TVA que vous payez : par exemple, le carburant (essence) de vos véhicules de fonction, les billets de train ou ceux d’avion
- Imaginer des opérations promotionnelles pour tirer parti de la sensibilisation de votre clientèle à la hausse de la TVA : par exemple, en annonçant que vous « maintenez » l’ancien taux dans vos tarifs (en payant la différence) voire en « offrant » la totalité du montant de la TVA
- Alertez vos clients sur la répercussion de la hausse de la TVA, y compris sur les devis émis avec l’ancien taux (c’est la date de livraison du service ou de la prestation qui fera foi). Profitez-en pour leur suggérer d’accélérer leur signature du devis, afin de mettre toutes les chances de leur côté de ne pas devoir payer avec le nouveau taux.
- Mettez-vous en quête d’une astuce de calcul pour déterminer facilement les montants HT et la TVA due, à partir d’un montant TTC. Avec le taux à 20%, c’était – relativement – facile : Division par 6 du TTC pour avoir le montant de TVA, puis multiplication par 5 de ce dernier pour avoir le HT. A vous de jouer….
La TVA, une invention française
Il faut dire que la TVA, invention française de 1954 reprise depuis par toutes les administrations fiscales dans le monde, rapporte beaucoup : près de 150 milliards d’euros par an dans les caisses de l’Etat (148 en 2016), soit un peu plus que la moitié de ses rentrées fiscales. Par comparaison, l’impôt sur le revenu représente un peu moins de 20% des rentrées, celui sur les sociétés un peu plus de 15% et la TIPP (sur les produits pétroliers, donc les carburants) environ 3,7% du total.
Il est donc tentant d’augmenter le taux de taxation : ainsi, une hausse de deux points (à 22%) du taux principal, pourrait rapporter jusqu’à 15 milliards d’euros supplémentaires.
Le pendant est évidemment un renchérissement des prix à la consommation. Un produit qui valait auparavant 100 euros HT et donc 120 euros TTC, passe ainsi à 122 euros. Cela représente une hausse de 1,66%. Cet effet inflationniste serait compensé par une hausse des salaires qui découlerait de la baisse de cotisations sociales.
Des conséquences pas toujours prévisibles
- D’abord, parce que la hausse de la TVA n’est généralement pas intégralement répercutée par les entreprises sur leurs prix de vente au public (les économistes parlent d’effet « pass-through »). Il est facile de comprendre pourquoi : Il se vendra plus de tomates à 1,99 euro le kilo qu’à 2,03 euros. Le distributeur fait donc un effort sur sa marge, en espérant augmenter ses volumes.
- Ensuite parce que les hausses de salaires prévues en regard de la hausse ne sauraient être automatiques. Dans le meilleur des cas – du point de vue du salarié -, elles seront au minimum différées. Résultat potentiel, un décalage entre la hausse des prix et celle des salaires, donc une baisse immédiate quoique temporaire du pouvoir d’achat, et une chute de la consommation.
- Des études réalisées par la Banque de France, montrent qu’en moyenne, à la hausse comme à la baisse, les évolutions des taux de TVA sont répercutées pour 80% dans les prix de vente au public, tandis que les 20% restant restent à « la charge » des entreprises.
Tout ceci explique pourquoi les politiques et les économistes se montrent très prudents avant de prendre de telles mesures. Les réactions des électeurs d’abord, puis des entreprises et des consommateurs ensuite, sont en effet imprévisibles et volatiles.
Augmenter ou baisser la TVA, un refrain bien connu
Néanmoins, par le passé, l’évolution, générale ou ciblée des taux de TVA a servi à de nombreuses reprises :
- Pour soutenir des secteurs en difficultés : par exemple le bâtiment ou la restauration, avec la baisse controversée de 2009 ?
- Pour des incitations à la consommation de certains produits : par exemple pour favoriser les dépenses portant sur les performances énergétiques des bâtiments
- Pour passer des messages « politiques » : baisse de la TVA sur les produits culturels ou hausse de la TVA sur les produits de « luxe ».
- Sur un plan social avec des taux moindres pour les produits de consommation
Dans le tableau ci-dessous, on le constate d’ailleurs : depuis 1954, la créativité de nos dirigeants ne s’est jamais vraiment tarie.
Historique des taux de TVA appliqués en France
Période d'application | Taux ordinaire | Taux réduit(s) | Taux majoré | Taux particulier |
---|---|---|---|---|
À partir de 2014 | 20% | 5,5% et 10% | - | - |
2000 - 2014 | 19,6% | 5,5% et 7% | - | 2,1% |
1995 - 2000 | 20,6% | 5,5% | - | 2,1% |
1982 - 1995 | 18,6% | 5,5% | 33,33% puis 22% | 2,1% |
1979 - 1982 | 17,6% | 7% | 33,33% | - |
1968 - 1979 | 19% | 7% et 15% | 25% | - |
1966 - 1968 | 16,66% | 6% et 12% | 20% | - |
1954 - 1966 | 16,85% | 7,5% | - | - |
Les entreprises peuvent (et doivent) anticiper
Si « en BtoB, la hausse de TVA est totalement neutre puisque l’entreprise cliente récupère la TVA » comme l’explique l’expert-comptable Xavier de Labarrière au journal les Echos, « elle est en revanche pénalisante en BtoC ». Elle nécessite donc l’anticipation des dirigeants
- D’abord pour réaliser l’arbitrage entre l’augmentation des prix ou la diminution de leurs marges. Le dépassement de certains seuils psychologiques entraînant des reports voire des renonciations d’achat, il convient de fixer les nouveaux prix avec précaution.
- Changer les prix, cela signifie une remise à jour de l’étiquetage, des catalogues, des processus et de tout document commercial. Cela aura un coût. Et en cas d’erreur, la loi précise qu’elle profite toujours au client, qui paiera le prix le plus bas, entre celui affiché en rayon et celui lu en caisse.
- Attention également à l’attitude de vos concurrents : il faut surveiller leur stratégie d’évolution tarifaire pour ne pas vous retrouver avec des prix plus élevés donc moins attractifs pour vos clients.
- La tenue de la comptabilité mérite également l’attention, pour une bonne prise en compte du nouveau taux sur les factures – malgré des devis éventuellement proposés avec l’ancien.
Dans tous les cas, ne négligez pas cette hausse, qui impactera tout ou partie de vos ventes, de votre comptabilité ou encore de votre relation clients.
+2 points de TVA = 0,8 point d’inflation ?
Dans le cas d'une hausse de la TVA taux plein de 2 points, les experts du site www.captaineconomics font le calcul (et le pari) suivant :
- Une hausse de prix moyenne des produits concernés de 1,66% : un produit à 12 euros TTC (donc 10 euros HT) passant à 12,2 euros, soit une hausse mécanique sur les prix concernés de 1,66%
- En utilisant les données empiriques de la Banque de France, on peut estimer que "seulement" 80% de la hausse de TVA serait répercutée dans les prix, soit une hausse de 1,33%.
- Les produits à taux normal représentant environ 60% du panier de consommation, cela implique donc un effet global sur l'inflation d'environ 0,8 point.