Les négociations qui se sont rouvertes mi-février entre les syndicats patronaux et les syndicats de salariés, afin de négocier la prochaine convention Unedic. Celle-ci, à mettre en place avant le 30 juin prochain – faute de quoi c’est le gouvernement qui prend les décisions – doit définir les nouvelles règles de fonctionnement de l’assurance chômage, et en particulier son financement. Parmi les pistes évoquées, le sujet épineux de la taxation des contrats courts – CDD, intérim, etc – hérisse particulièrement les employeurs, en témoigne la création du site patrons vent debout, à l’initiative de la CGEPME.
Mais de quoi parle-t-on exactement ? Quelques vérités, et quelques chiffres, pour se faire une idée réaliste de ce qui nous attend….
1) La taxation des CDD existe déjà :
Les patrons réagissent mal à la taxation envisagée des CDD, sous forme de cotisations patronales augmentées en fonction de la brièveté de ces contrats. Sauf que celle-ci est déjà en vigueur, depuis le 1er juillet 2013.
Actuellement, les CDD correspondant à un accroissement temporaire d’activité de moins d’un mois sont surtaxés à 3 % ; ceux de un à trois mois le sont à 1,5 % ; Enfin, les CDD dits d’usage (qui concernent certains secteurs de l’économie, par exemple l’hôtellerie), inférieurs à trois mois, sont sur-taxés de 0,5%.
Des exceptions existent à ce cadre général : Par exemple, la transformation d’un CDD en CDI à la fin du CDD, quelle que soit sa durée, exonère l’entreprise de cette sur-cotisation sociale. C’est également le cas des CDD de remplacement – congé maternité, congé maladie, etc.
2) Le gouvernement a mis la pression en 2016 sur les partenaires sociaux :
Il leur demande, dans le cadre de la limitation du déficit de l’Unedic – 4,2 milliards estimés pour 2016, pour une dette cumulée d’environ 30 milliards d’euros, prise en compte par Bruxelles dans ses calculs sur la dette globale du pays – d’examiner des solutions. Plusieurs pistes ont été lancées :
- Diminution des allocations chômage
- Augmentation des durées de cotisation ouvrant droit aux allocations
- Et donc, concernant les contrats courts, augmentation de la sur-cotisation, ainsi qu’une généralisation à tous les secteurs de l’économie, et une disparition des avantages pour les contrats liés à des remplacements
3) Les contrats courts sont « responsables » du déficit de l’Unedic :
L’analyse des dépenses de l’Unedic montre que les indemnisations chômage pour les salariés ayant bénéficié de contrats courts présentent un solde négatif de plus de 4 milliards d’euros, par rapport aux cotisations des entreprises. Soit la quasi-totalité du déficit global. A contrario, les CDI sont à « l’équilibre » voire bénéficiaires.
Ces contrats courts ne sont pas seulement les CDD : l’interim, les intermittents du spectacle, les pigistes dans la presse, autant d’autres régimes déficitaires.
Les comptes de l’Unedic sont également « plombés » par sa contribution, à hauteur de 3 milliards d’euros environ, au budget de Pôle Emploi, qui s’occupe d’assister les chômeurs dans leurs recherches d’emploi. Cela représentait près de 62% du budget de Pôle Emploi en 2015.
4) Les contrats courts sont de plus en plus nombreux et de moins en moins longs :
40 % des embauches actuelles concernent des CDD inférieurs à trois mois.
Sur les trente dernières années, la durée moyenne des missions d’intérim est ainsi passée de 6 semaines à moins de deux semaines. Et la durée moyenne des CDD est tombée à 26 jours.
5) Un calendrier et des négociations très « politiques » :
La date butoir du 30 juin a joué un rôle dans le refus des syndicats patronaux de rouvrir les négociations sur ces points de désaccord profond avec les syndicats de salariés. Les observateurs ont relevé que le Medef notamment avait « joué la montre », tant que la probabilité de la victoire d’un candidat issu des rangs des Républicains était très probable. Les récents développements de la campagne présidentielle l’auraient incité à changer de stratégie pour tenter au contraire de verrouiller la négociation avant une échéance électorale à l’issue devenue plus incertaine.
Par ailleurs, le Medef et la CGPME, qui étaient quasiment seuls pour mener ce type de négociation, voient aujourd’hui l’émergence de nouveaux syndicats « patronaux », représentants de TPE, de professions libérales, voire d’auto-entrepreneurs, auxquels l’actuel gouvernement a accordé le statut d’organisations représentatives. Or leurs intérêts ne sont pas forcément les mêmes.
Il est impossible de prévoir ce qui va ressortir de l’actuel round de discussions. Le Medef l’a d’ailleurs qualifiée de période d’échange de points de vue avec les syndicats de salariés, soulignant ainsi son manque d’entrain.
Par ailleurs, les économistes, de tous bords y compris les plus libéraux, considèrent que les négociations actuelles ne traitent pas du fond du problème, à savoir qu’il y a effectivement des types de contrats mais aussi des entreprises qui creusent plus que d’autres le déficit de l’Unedic.
Un certain consensus se fait entre eux pour promouvoir un système de bonus/malus, où les cotisations sociales des entreprises seraient modulées en fonction de leur « contribution » réelle aux dépenses de l’Unedic. Une façon de coller à la réalité du terrain, mais aussi d’encourager les entreprises les plus citoyennes, et de pénaliser au contraire celles qui s’appuient trop fortement sur la collectivité pour financer leur recours aux contrats courts.
Et pour les petites entreprises ?
- Les CDD représentent 14% des effectifs dans les entreprises de moins de 10 personnes, presque deux fois plus que dans celles de 10 salariés ou plus.
- Le projet de sur-cotisations appliquées aux contrats « courts », ne fait pas de différence selon la taille de l’entreprise
- À la date butoir du 30 juin 2017, la nouvelle convention de l’Unedic s’appliquera à toutes les entreprises
- Rappel : Le 30 juin de cette année, c’est aussi la date limite pour bénéficier de la prime embauche PME – mise en place au 18 janvier 2016 –, à savoir une prime trimestrielle de 500 euros pendant deux ans (4000 euros au total donc) accordée à toute entreprise ou association qui engage en CDI un nouveau salarié rémunéré jusqu’à 1 900 € brut mensuels.