Diriger sa propre entreprise offre un sentiment de liberté – pas d’ordres venant du dessus, maîtrise des décisions… Mais cette liberté a un prix, celui de la responsabilité sur deux terrains, le civil et le pénal. Explications.
Deux définitions pour commencer : la responsabilité civile du dirigeant est engagée dès lors qu’un préjudice est causé à un tiers - salarié, associé, client, partenaire, actionnaire, organisme social… - qui demande réparation. La responsabilité pénale du dirigeant est engagée dès lors que son entreprise – et pas forcément lui directement - est supposée auteur ou complice d’une infraction délictueuse devant la société toute entière. Une même action peut donc entraîner à la fois la responsabilité civile et pénale d’un dirigeant. Voici quelques exemples pour y voir plus clair.
Cinq infractions qui relèvent de la responsabilité civile du dirigeant
- Les infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables à l'entreprise : par exemple, le fait pour le dirigeant d'autoriser un salarié à utiliser un véhicule de la société dépourvu d'assurance. Si le salarié blesse un tiers avec le véhicule, le dirigeant peut être condamné personnellement. Un dirigeant de TPE dans le BTP peut aussi être condamné en cas d’accident causé par un salarié s’il n’a pas souscrit d’assurance professionnelle.
- La violation des statuts, comme, par exemple, se passer de l’accord préalable des associés pour certaines décisions.
- Les fautes de gestion : Ces infractions sont plus difficiles à expliquer, car cette notion n'est pas définie par la loi ; Elle relève de la jurisprudence et peut concerner aussi bien la simple imprudence que les manœuvres frauduleuses (Voir encadré).
- Les infractions aux obligations fiscales et sociales : par exemple, si la société ne paie pas ses cotisations de sécurité sociale, le dirigeant peut être condamné à verser des dommages et intérêts pour le préjudice causé à la caisse de sécurité sociale. Par contre, les cotisations en retard et les pénalités sont payées par la société.
- Les infractions aux règles de concurrence : un dirigeant ou un associé de la TPE peut être condamné s’il exerce une concurrence déloyale vis-à-vis de sa propre société (dans le cas où il aurait par exemple des intérêts dans une autre société concurrente).
Si plusieurs dirigeants de la TPE/PME (en cas d’associés) ont participé à l'infraction, leur responsabilité solidaire sera engagée. Le tribunal compétent (d'instance, de grande instance ou de commerce, selon les infractions) déterminera la part contributive de chacun dans la réparation du dommage.
Responsabilité pénale : engagée dès lors que l’entreprise ne respecte pas un texte pénal
Si la responsabilité civile du dirigeant est engagée dès lors qu’un tiers demande réparation d’un préjudice, sa responsabilité pénale est engagée dès lors que le ministère public intente une action pénale à l’égard de la société.
Les infractions les plus fréquentes à l’origine de cette action sont : les infractions au droit du travail, la fraude fiscale, le faux et usage de faux en écriture, le détournement de fonds, la négligence des règles de sécurité liée au domaine d’activité, les infractions douanières, les infractions environnementales et la tromperie sur la qualité du produit vendu. Bref, dès lors qu’il y a infraction à un texte pénal.
Attention : la responsabilité pénale du dirigeant sera engagée même s'il n'a pas participé personnellement à l'infraction et même s'il n'y a pas de préjudice. Et la plupart des infractions pénales sont sanctionnées par des peines de prison ou des amendes.
La responsabilité pénale du dirigeant : une charge plus lourde en TPE/PME que dans les grands groupes
Certes, le dirigeant peut s'exonérer de cette responsabilité s'il prouve qu'il n'était pas en mesure d'influencer le comportement de l'auteur de l'infraction. Par exemple : un accident causé par un chauffeur alors que l'entreprise ne lui avait imposé aucun délai impératif de livraison et que le temps réglementaire de conduite n'avait pas été dépassé.
Dans les grandes entreprises, un dirigeant peut aussi s’exonérer de sa responsabilité pénale, s’il prouve qu’il avait délégué ses pouvoirs à l’auteur de l’infraction, et que celui-ci était pourvu « de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires pour faire respecter la réglementation. » Malheureusement, selon le ministère du travail, « les délégations de pouvoirs ne se justifient que dans les grandes entreprises et non dans les petites entreprises notamment celles présentant un caractère artisanal. »
Deux exemples de faute de gestion
Si l’insuffisance d’actifs d’une TPE/PME est imputable à des décisions prises par son dirigeant, il peut être condamné à payer tout ou partie des dettes de celle-ci : il s'agit de l'action en comblement du passif social. Ainsi un dirigeant d'une société dont les résultats étaient lourdement déficitaires, a été condamné à combler une partie du passif de son entreprise, au motif qu'il s'était octroyé une rémunération excessive (Arrêt de la Cour de cassation du 28 juin 2017 n°14-29936).
Est aussi considéré comme une faute de gestion, le fait pour un dirigeant de n'avoir pas tenté d'obtenir de ses associés une augmentation du capital en numéraire, alors que celle-ci s'avérait nécessaire à la survie de la société (Arrêt de la Cour de cassation 12 juillet 2016, n° 14-23310)