Antoine Solom, Directeur International de Ipsos LEAD, a analysé les résultats du Baromètre Edenred Ipsos 2015, à l’occasion de la 30ème édition du congrès HR’, les 7 et 8 octobre 2015 à Paris. Conduit auprès de 13 000 salariés dans 14 pays européens, le Baromètre Edenred Ipsos s’est focalisé cette année sur le thème du digital.
Une situation inédite
Antoine Solom, Directeur international de Ipsos LEAD, a mis en évidence un renversement du processus de diffusion de l’innovation. Il y a 20 ans, l’innovation était conduite par l’entreprise. Mais en matière digitale, elle est aujourd’hui introduite par les collaborateurs.
L’expérience du digital que les salariés ont au quotidien dans leur sphère privée est souvent plus pointue que ce que l’on trouve dans l’entreprise. 73 % des salariés affirment ainsi que le digital leur est familier. En revanche, peu de salariés (18 %) affirment que leur entreprise se situe à la pointe dans ce domaine. L’enjeu majeur pour l’entreprise est donc de combler cet écart, qui constitue une source de frustration et de désengagement des salariés : Antoine Solom estime que ce hiatus ne sera pas tolérable sur le long terme. Dans ce contexte, les réseaux sociaux d’entreprise commencent à fonctionner et montent en puissance. Il en est de même de la virtualisation des espaces de travail.
Face au digital, 4 profils de salariés
Les résultats du Baromètre Edenred-Ipsos ont permis de construire une typologie des salariés européens face au digital. Elle recense 4 profils, qui présentent chacun un degré d’appropriation et des problématiques particulières.
• Les « Connectés » ont un niveau d’équipement et une expérience du digital beaucoup plus développés que les autres. Travaillant dans des entreprises en pointe, ils ont beaucoup d’outils à leur disposition. Ils considèrent pour leur grande majorité que le digital a un impact positif sur leur motivation. On retrouve logiquement dans cette catégorie les salariés de certains secteurs technologiques (télécoms, IT), mais pas seulement. Les top managers y sont surreprésentés. Les problèmes posés concernent notamment l’équilibre entre leur vie privée et leur vie professionnelle.
• Les « Impatients » forment la catégorie la plus large. Leur taux d’équipement est moyen, et ils considèrent que leur entreprise est en retard. Aux prises avec des outils ressentis comme obsolètes, ils veulent accélérer le passage au digital. Dans cette catégorie, la fonction publique est surreprésentée - il s’agit d’un des secteurs les plus confrontés aujourd’hui à l’urgence du digital. Certains pays sont plus en avance que d’autres en ce domaine (notamment le Royaume-Uni).
• Les « Passifs » présentent un taux d’équipement plutôt important, et jugent leur entreprise au même niveau que les autres en matière de digital. Cependant, ils ne se sentent pas particulièrement concernés par cette transformation. Le problème est donc de les inclure dans le jeu. Par exemple, dans les call centers, où les pratiques managériales ont globalement très peu évolué, l’équipement s’est digitalisé… mais pas les salariés.
• Enfin, les « Isolés » appartiennent à des secteurs comme le bâtiment, d’où la digitalisation se tient, pour l’instant, éloignée. Un travail de sensibilisation reste à effectuer vis-à-vis de cette catégorie.
Le manager de demain, un catalyseur de talents
Comment concilier vie privée et vie professionnelle dans un univers qui se digitalise très vite ? La frontière entre les deux se délite de plus en plus : les salariés s’occupent de problèmes personnels au bureau et travaillent de chez eux – c’est le blurring. Pour Antoine Solom, il est illusoire de chercher à cloisonner ces deux sphères : les salariés sont en train de s’approprier les outils et de réorganiser leur mode de travail. Pour autant, agir proactivement en faveur du bien-être au travail est bien fondamental.
Le deuxième enjeu est celui des pratiques managériales. Dans chacune des 4 catégories décrites par Antoine Solom, environ un quart des salariés considère que le digital a eu un effet plutôt négatif sur les pratiques managériales. Comment réussir à les adapter à ce nouvel environnement ?
La légitimité du manager ne repose plus sur son pouvoir, mais sur sa capacité d'influence
Antoine Solom observe une transformation de la culture organisationnelle des entreprises, qui passe progressivement du silo à la collaboration. On parle aussi moins aujourd’hui d’implication que d’accomplissement au travail. Plutôt qu’alignement, on pense contribution. Plutôt que de loyauté, on parle d’expérience. L’approche se fait ainsi de façon nettement plus individualiste, même s’il demeure une dimension très importante : l’émotion collective. Les lignes bougent également en matière de leadership : la légitimité du manager ne repose plus sur son pouvoir, mais sur sa capacité d’influence. La délégation est remplacée par la responsabilité ; l’exigence par la bienveillance. Le manager de demain aura un rôle de catalyseur de talents.