Au XXème siècle dans le Sud-Est asiatique, un homme a compris et montré qu’une guérilla pouvait se montrer victorieuse de nations bien plus puissantes : Ho Chi Minh, fondateur de la République démocratique du Vietnam. Pour cet homme, tout est possible… mais pas n’importe comment ! Retour sur les principes stratégiques de cet Oncle Hô qui bouta les Français hors d’Indochine avant que ses successeurs reprennent le Sud du pays aux Américains.
Une organisation de pleine terre
Ho Chi Minh a adhèré très tôt au parti communiste. Il y milite, participe à son développement en URSS et en Chine. Après trente années d’exil, il rentre en 1941 au Vietnam pour fonder le Viet Minh. Son premier geste est de réunir les différents groupes nationalistes autour de deux idéaux communs : l’indépendance et la justice sociale. Il gagne alors la fidélité d’un homme qui deviendra son plus sûr atout : le général Giap.
Et il proclame l’indépendance du pays au nez et à la barbe des Français tout juste sortis de cinq années de conflit.
Une organisation se dessine : l’Armée populaire vietnamienne, pyramide à trois niveaux. Un premier niveau de sécurité locale (guérilla) destiné à harceler l’ennemi, un niveau de « réserve » et d’école de guérilla, et un troisième niveau qui est celui des divisions régulières de l’armée populaire.
Le militaire sans le politique est un arbre sans racine. Il est non seulement inefficace mais encore nuisible »
Pas question de militaires ni de politiques "hors-sol". Ho Chi Minh choisit de s'appuyer sur la structure traditionnelle d’une région encore profondément rurale : le village. C’est la communauté fondamentale où la majorité de ses concitoyens a grandi. Il va y développer l’éducation révolutionnaire, qu’il considère plus importante que la taille des effectifs. L'éducation peut être réciproque : la guérilla va bénéficier de la connaissance naturelle qu’ont les villageois d’un environnement hostile pour les Occidentaux. Du reverse mentoring avant l'heure ?
La mobilité comme première alliée
Comment parer l’insuffisance numérique des effectifs nord-vietnamiens ? Ho Chi Minh va accorder une grande importance tant à la valeur des troupes qu’à l’agilité de la tactique et au facteur surprise dans les phases de combat offensif. L’espoir est dans la mobilité, non dans le nombre.
Là où l’armée française se laisse enfermer dans des réduits fortifiés, là où l’armée américaine plus tard fera usage d’un déluge de feu et de flammes, les Nord-Vietnamiens demeurent mobiles, et capables d’imposer leur axe d’affrontement quand ils estiment avoir l’avantage. La Piste Ho Chi Minh, empruntée par des millions de Vietnamiens tout au long du conflit, à pied et en vélo, permet de continuer à approvisionner les foyers de guérilla. Les troupes de Giap maintiennent ainsi un front flou, instable et général, plutôt qu’une zone de combat fixe et bien localisée.
Le sweet spot d’Ho Chi Minh : là et quand la guérilla est plus forte alors que l’ennemi est plus faible. Ni avant ni après, ni trop loin ni trop près.
Au niveau militaire, l’implantation villageoise constitue une source de renseignement de premier rang, et le système de communication mis en place (à pieds, en vélo, en voiture, par téléphonie) distribue cette information.
Essaimer pour mieux progresser
Quand un groupe se retrouve en difficulté, il se scinde, et essaime géographiquement, avec comme objectif de remonter d’autres unités. L’action se fractionne, mais elle reste coordonnée. De son côté, l’occupant est pris dans la contradiction entre une action de grande envergure ou l’occupation et la stabilisation de ses places fortes. L’idée fixe d’Ho Chi Minh est d’amener tout le pays profond à la maturité militaire et politique souhaitée, et de déclencher la grande insurrection quand la situation internationale s’avérera favorable.
Attendre le bon moment
Ho Chi Minh sait en effet qu’il doit laisser du temps au temps. Le temps pour la résistance de se développer et de se former, et aussi le temps qui joue contre l’occupant : usure des troupes expatriées et empoignades politiques en métropole. Il choisit donc d’entrer dans une résistance de longue durée : neuf ans vont s’écouler entre la prise de contrôle du nord quand l’occupant japonais se rend en 1945, et la bataille de Dien Bien Phu qui marquera le début de la fin de l’empire français. Le départ du dernier G.I. aura lieu, lui, en… 1975.
Ho Chi Minh insiste sur l’économie d’hommes et de forces, et refuse systématiquement tout engagement qui paraîtrait défavorable sur le plan numérique, ou ne conduirait à aucun résultat important. Il faut savoir attendre et, dans l’intervalle, se suffire à soi-même. Utiliser ce qu’on a, accepter une aide extérieure si elle est utile, élever et éduquer les combattants font partie d’une stratégie de croissance, de renforcement des équipes.
Des leçons à tirer pour les outsidersL’histoire d’Ho Chi Minh et du Viet Minh comporte bien des zones d’ombre, et l’installation du communisme au Vietnam a été sans pitié - deux millions de personnes ont fui le pays, et 250,000 ont trouvé la mort en mer, d'après le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Mais sa conduite de la guerre de libération permet de rappeler des points clés utiles aux entreprises « outsiders » sur leur marché :
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