« Pour les bons : la compassion, la douceur et la paix ; mais pour les mauvais : la cruauté et la souffrance. S’il n’en est pas capable, le roi, alors, n’est pas roi : il n’est rien ! », aurait déclaré Ivan le Terrible. En comparant avec nos méthodes managériales actuelles, le Tsar aurait été un expert en... management par la peur. Pourriez-vous diriger comme Ivan le Terrible ?
Si les excès et cruautés du tyran russe du XVIe siècle s’expliquent en partie par les épreuves de son enfance et par la barbarie de l’époque, certains historiens dépeignent d'abord un tsar psychologiquement instable. Sous son règne de terreur, la Russie entrera néanmoins dans la modernité, preuve peut-être que ce management retors pouvait être efficace.
Un enfant terrorisé… et terrorisant !
Ivan IV Vassilievitch est né en 1530 à 10 km de Moscou. Il n’avait que trois ans à la mort de son père et huit au décès de sa mère. Le pouvoir est alors confié à un conseil de boyards, grands aristocrates russes.
Ces hommes de pouvoir se querellent continuellement, n’hésitant pas à s’entre-tuer. La vie du jeune tsar est baignée de cette atmosphère violente, oppressante et instable. L’enfant est humilié, battu et menacé physiquement. Sa vie ne tient souvent qu’à un fil ou au hasard des intrigues.
L’enfant est pourtant intelligent, travailleur, dynamique et conscient de ses futures responsabilités. Mais son psychisme est fragile, enclin à des sautes d’humeurs et des dépressions. Dès l’âge de treize ans, Ivan montre des instincts sanguinaires. Il se plait à torturer les animaux, ou encore à littéralement écraser des passants lorsqu’il chevauche. Sa dévotion religieuse est telle qu’il s’est déformé le front à force de heurter le sol lors de ses prosternations...
Un tsar réformateur et violent
En 1547, Ivan est proclamé « Tsar de toutes les Russies » et décide d’exercer pleinement le pouvoir, se référant aux empereurs byzantins et aux khans. De 1547 à 1560, il se montre relativement mesuré, certainement grâce à la bonne influence de sa femme.
Son leadership et son management sont exemplaires. Sur la place de Moscou, il fait pénitence devant tout le peuple assemblé et lui promet de le défendre contre l’oppression et l’injustice. Il convoque une assemblée générale de délégués du pays afin de moderniser les lois, et un concile pour réformer l’Eglise. Il s’entoure d’hommes compétents, issus de classes populaires et dévoués, associant à la gestion locale des représentants paysans.
L’isolement et la terreur aveugle
En 1560 à la mort de sa femme, sa vie bascule. Le Tsar est convaincu que son épouse a été empoisonnée et qu’on veut intenter à sa vie. Il réagit avec en éliminant ses proches et ses conseillers. Il se livre également à d’effroyables cruautés : décapitation, torture, empalement…, et confisque les biens des seigneurs locaux. L’aristocratie russe fuit alors les persécutions, vers la Pologne et la Lituanie, et tente de s’organiser pour mettre fin à cette tyrannie.
Ivan s’isole de plus en plus dans sa résidence secondaire en dehors de Moscou, recrute un personnel étranger, et s’entoure d’une cour de fanatiques et de débauchés dont les membres portent une tête de chien et suspendent un balai à la tête de leur cheval : « Ils servent leur maître comme des chiens, et ils balaient la Russie ».
Ivan le terrible use d’une extraordinaire inventivité pour torturer et exécuter. Il fait plonger des suppliciés dans des chaudrons bouillants puis glacés, fait rôtir à la broche, lâche des chiens affamés ou des ours sauvages. Un opposant en fuite est placé sur un baril de poudre avant de le faire exploser. Il utilise également la torture psychologique demandant à un fils de tuer son père pour avoir la vie sauve, puis il exécute ce dernier pour parricide.
Un jour, dans un accès de fureur, Yvan IV frappe d’un bâton ferré son fils qui meurt peu de temps après. Très affecté, il annonce son intention de se retirer en tant que moine... mais régnera encore deux ans.
Le stratège derrière le monstre
« Grozny » est le surnom originel d’Ivan le Terrible. Un terme qui signifie « terrible » mais aussi « redoutable ». Si l’histoire a retenu la définition la plus rude du personnage, le Tsar de Russie s’impose aussi comme un fin stratège politique.
Au cours de sa lutte contre le roi de Pologne et après plusieurs défaites, loin de s’obstiner, Ivan le Terrible fait appel à la médiation du pape alors même qu’il n’exerce aucune influence en Russie. Ce choix judicieux permet la signature d’une trêve de dix ans.
Il ouvre également les frontières de la Russie aux étrangers notamment aux négociants anglais. Il tente même de se marier à Elisabeth Ière d’Angleterre avant de lui proposer un traité d’alliance offensive et défensive, auquel il ajoute une clause secrète protégeant les intérêts de chacune des parties.
Sauriez-vous manager par la peur ?
Si vous vous reconnaissez dans au moins quatre de ces définitions alors il est fort probable que vos équipes quittent prochainement le navire...! |
Avec la Petite histoire des Grands managers, nous vous proposons une fois par mois les expériences concrètes des leaders du passé, source intarissable de réflexion et d’inspiration pour les managers d’aujourd’hui.
Docteur en histoire, spécialiste du patrimoine et certifié Predom, Yann Harlaut est consultant culturel. Il est auteur de différents ouvrages parmi lesquels « Négocier comme Churchill. Comment garder le cap en situations difficiles » et « Convaincre comme Jean Jaurès. Comment devenir un orateur d’exception », tous deux aux éditions Eyrolles.