Vendredi 11 mars dernier, l’ACSEL organisait chez Google France une rencontre autour de la transformation digitale. Deux dirigeants d’entreprises témoignaient de leur expérience : Nathalie Chapusot, Directrice Générale France de Raja, et Laurent Delmas, Directeur Général d’Edenred France.
Raja : 20 ans d’évolutions, mais pas de révolution
Crée en 1954 par deux femmes – Rachel et Jeanine, d’où le nom de l’entreprise, Raja est une entreprise familiale, spécialisée dans l’emballage. En 2015, elle a réalisé 475 millions d’euros de chiffre d’affaires, avec 1 600 collaborateurs. "En évolution plus qu’en révolution", son modèle commercial reste exclusivement VPCiste, "mais les moyens de choisir et de commander n’ont pas cessé d’évoluer", rappelle Nathalie Chapusot. Ainsi seulement 10% des commandes ont été passées par fax l’an dernier, contre 40% il y a trois ans.
C’est le client qui choisit son canal
"Raja est passée du marketing direct au marketing digital", complète la dirigeante. C’est désormais le client qui choisit son canal, internet, fax, ou téléphonique. Mais les principes n’ont pas changé : l’assortiment (caisses, cartons, produits d’emballage, rubans adhésifs…), la livraison rapide (en 48 heures maxi), la qualité du service client – la transformation digitale n’exclut pas la relation de proximité.
Edenred : sur la route de la dématérialisation du titre-restaurant
Spécialiste des services prépayes aux entreprises, Edenred a réalisé en 2015 un chiffre d’affaires de plus d'un milliard d’euros, avec un effectif d’environ 6 300 employés répartis dans 42 pays.
Pour Edenred, "la route de la dématérialisation a commencé en Amérique latine", rappelle Laurent Delmas, qui précise qu’au Brésil la carte Ticket Restaurant® a été lancée dès 1997. Comme en Turquie ou au Royaume-Uni, les titres dématérialisés y représenteront bientôt la totalité de l’usage. "Le chemin réalisé là-bas est une source d’inspiration pour la France", ajoute-t-il. Car, dans notre pays, l’introduction du titre-restaurant dématérialisé est très récente : la carte Ticket Restaurant® a été lancée début 2014, grâce à l’évolution du cadre réglementaire.
Nous sommes leaders sur le marché français, avec 150 000 cartes en circulation
La Carte Ticket Restaurant® constitue donc l’un des moteurs de la dématérialisation chez Edenred France. Elle a entraîné un effort qui s’est organisé autour de quatre dimensions complémentaires :
- un investissement réglementaire : dans le cadre du "choc de simplification" de janvier 2013, Edenred s’est impliquée dans les réunions de concertation qui ont débouché sur le décret encadrant la dématérialisation du titre (plafond de 19€ par jour, notamment) ;
- un investissement institutionnel, auprès des différentes parties prenantes : les Affiliés (négociations et accords avec les 7 syndicats de la Restauration), les Bénéficiaires (développement de nouveaux services) et les Clients (diffusion de nouveaux canaux de communication pour les entreprises) via la mise en place d'outils innovants qui ont facilité la réussite de la transition ;
- un investissement industriel avec une carte fonctionnant sur le réseau bancaire en partenariat avec Prepay Solutions et la joint-venture Edenred/MasterCard®, n°1 du prépayé en Europe ;
- un investissement commercial, Laurent Delmas annonçant une part de marché de 66% pour la carte Ticket Restaurant®.
Le mouvement ne s’arrête d’ailleurs pas aux titres-restaurant. Le chèque cadeau se dématérialise lui-aussi – e-vouchers, plate-forme d’e-commerce des enseignes – et même une marketplace, grâce à l'acquisition de ProWebCE.
La dématérialisation, ses enjeux… et ses exigences
Quels sont les enjeux de l’entreprise numérique pour 2020 ? Nos intervenants en ont relevé au moins sept :
- l’évolution du business model
- repenser ses stratégies d’alliance
- repenser l’organisation pour mieux innover
- valoriser les données en créant la confiance
- développer sa culture numérique
- attirer les compétences
- développer l’e-leadership des dirigeants
La dématérialisation ne va pas de soi. Sa réussite passe par la prise en compte des exigences d’une clientèle par ailleurs confrontée à la digitalisation dans tous les domaines ou presque. Et aussi par des actions internes et une réelle implication des dirigeants.
Pour Raja, le digital permet d’aborder une clientèle différente. Il doit faciliter la fidélisation, ce qui sera d’autant mieux réalisé que cela s’intègrera harmonieusement avec les autres modes de contact, tout particulièrement la plate-forme de télévente. Avec, à la clé, de réels points de progression : par exemple, le cross-selling est facilité.
La dématérialisation passera également par la mise en place d’un outil de production de contenus du type de celui de Ventes-Privées : studio photo, studio web, agence de publicité intégrée… le tout pour maîtriser le contenu et sa chaîne de publication de bout en bout, tant on-line que off-line.
Pour le dirigeant d’Edenred, la dématérialisation doit être capable de créer de la valeur ajoutée pour toutes les parties prenantes. Dans le cas de la carte Ticket Restaurant® : "le bénéficiaire devient connecté, le restaurateur éclairé, et le client augmenté." L’exigence de pédagogie s’impose à tous les niveaux, et à chaque étape de la vie du produit, tant pour les utilisateurs que pour les restaurateurs affiliés.
Quand l’impulsion vient des dirigeants, c’est très vertueux
En interne, pour la dirigeante de Raja, le point clé est de réussir à intégrer la direction informatique au commerce. Et "quand l’impulsion vient des dirigeants, c’est très vertueux", admet Nathalie Chapusot. Comme le souligne Laurent Delmas, il s’agit d’un sujet " systèmes ".
Comment entraîner toute l’organisation dans le mouvement ?
Emmener les collaborateurs sur le chemin vers la dématérialisation passe par la définition d’objectifs clairs et la mise en place d’un dispositif solide. Il faut informer les collaborateurs sur les projets, sensibiliser à la nouvelle organisation, préciser les déclinaisons opérationnelles. C’est la méthode ICAP : Information – Compréhension – Acceptation – Participation.
Cela nécessite un réel effort de formation : c’est ainsi par exemple que 200 commerciaux d’Edenred ont été formés à date sur les bonnes pratiques des réseaux sociaux – c’est le projet L'Edenred Social Media Academy (ESMA). Il faut aussi mesurer l’impact de la communication interne sur les salariés. Les deux dirigeants s’entendent sur l’intérêt de la mise en place d’un baromètre du changement interne pour mesurer et piloter l’adhésion au sein de l’entreprise.
Un projet d’entreprise
La table ronde s’achève sur ces paroles : "Evidemment la transformation digitale ne se fera pas sans résistance, sans peur… mais avec beaucoup de réassurance, beaucoup d’évangélisation, beaucoup d’accompagnement… on arrive au succès !". Un vrai projet d’entreprise, en somme.