Près de 1000 personnes ont assisté mercredi 22 mars au débat "Et le travail demain". Sur scène un panel de syndicalistes, de DRH, de dirigeants d’entreprises, mais aussi de jeunes à l’aube de leur vie professionnelle, a débattu des blocages qui empêchent le plein emploi dans le pays, et des perspectives ouvertes par le numérique. Avec en point d’orgue, les propositions de cinq candidats à la Présidentielle.
Conduit par Stéphane Rozes Président de CAP (Sciences Po – HEC), le débat "Et le travail demain" a été un beau succès. ProwebCE, Groupe Alpha, Edenred France et SalonsCE, en partenariat avec CAP, ANDRH et Solutions RH, avaient réuni un très beau panel d’intervenants autour de ce thème. Un grand témoin – Daniel Cohn-Bendit , quatre dirigeants de syndicats (CGC, CFDT, CGT et FO), plusieurs chefs d’entreprise, des économistes, des DRH ou des élus de CE ont pu échanger pendant près de quatre heures. Le tout entrecoupé d’interventions de plusieurs candidats à la présidentielle ou d’interpellations de jeunes débutant leur vie professionnelle.
Les Français aiment leur travail !
Comme l'a rappelé Julien Tanguy, DG d'Edenred France , en ouverture du colloque, « les enjeux autour du travail ont toujours structuré nos débats de société ». Ils furent justement l’objet du premier temps fort de l’après-midi : la présentation de l’étude exclusive de Sondage-CE sur les Français et le travail.
- Plus de 8 Français sur 10 donnent une place importante au travail dans leur vie
- 73% ayant un emploi se disent épanouis et 58% s’estiment reconnus (86% et 70% parmi les jeunes)
- 77% pensent encore que le CDI est un facteur de protection de l’emploi. Il faut ici rappeler qu’un Français sur deux a déjà été au chômage au cours de sa carrière
- 41% des actifs se sentent surmenés, épuisés dans leur travail, proportion qui monte à 53% chez les cadres et à 58% dans les entreprises de plus de 1000 personnes
- 14% se disent harcelés professionnellement et moralement
- Enfin, 33% seulement – ou tout de même ? – des sondés accepteraient, s’ils avaient le choix, de toucher un salaire sans pour autant fournir un travail en contrepartie.
Damien Robinet, 19 ans, élève au lycée horticole des Apprentis d’Auteuil, interpelle les recruteurs sur la difficulté à trouver un emploi ou même un stage, même bien formé. Réponse de Bénédicte Ravache, secrétaire générale de l’ANDRH : « Trouver un emploi, c’est un métier ! Mais il faut aussi rester libre d’aller voir ailleurs. Et garder la main sur son avenir puisque l’entreprise ne peut plus le garantir pendant toute une vie professionnelle ».
Sécuriser les créateurs d’entreprise
L’étude montre d’ailleurs que les Français sont séduits par la création d’entreprise (51% et même 64% parmi les 16-21 ans). Un taux élevé à relier avec le sentiment partagé par 56% d’entre eux que les nouvelles possibilités de travail indépendant sont une bonne manière de lutter contre le chômage. Encore faut-il, comme le fait remarquer François Hommeril, président confédéral de la CGE-CGC, « fournir des solutions pour que les risques à prendre soient assurés, en particulier au début du parcours professionnel quand le jeune a de nombreux défis à relever et à sécuriser ».
Le Numérique, entre craintes et espoirs
Qui dit création d’entreprise aujourd’hui, pense souvent univers numérique. Avec son cortège de promesses mais aussi de craintes pour l’emploi. Là-encore, Sondage CE apporte des éléments intéressants. Les sondés décèlent des points positifs, concernant la durée et l’organisation de l’emploi du temps du travailleur « numérique » et sa rémunération. En revanche, les craintes sont plus que vives concernant sa protection sociale et sa retraite, la préservation de ses congés, le respect du droit du travail et notamment du droit de grève !
L’économiste Gilbert Cette se veut rassurant : « il y a toujours eu des craintes de disparition de l’emploi au moment des révolutions technos, mais elles ont est toujours été démenties ». Et de citer Alfred Sauvy, qui rappelait que 20 000 porteurs d’eaux ont perdu leur travail lors de l’installation des canalisations d’eau à Paris, mais qu’ils en ont retrouvé ailleurs...
Un dialogue social en berne ?
Tout ceci peut-il se mettre en place sans un dialogue social performant ? Les avis sont mitigés : 40% seulement des actifs interrogés pensent qu’il a permis ces dernières années d’améliorer les conditions et la qualité de vie au travail.
Plusieurs lois récentes se sont attaquées au monopole syndical sur le premier tour des élections professionnelles, ou encore à la prévalence des accords de branche sur les accords d’entreprise. Sans surprise, les représentants des grandes centrales comme Jean-Claude Mailly (FO) ou Philippe Martinez (CGT) sont vent debout contre cette tendance. Et pour l’ANDRH « les entreprises ont besoin d’interlocuteurs expérimentés pour mener à bien les négociations ».
Ses adhérents ont pourtant d’autres préoccupations, parmi lesquelles :
- la compétitivité et le coût du travail
- la transformation numérique et ses conséquences
- l’évolution démographique et la multiplication des affections longue durée
- l’évolution du code du travail et de son incarnation dans des contrats types.
No risk, no fun !
Côté syndicats, Philippe Martinez souligne que « le travail a toujours évolué au cours du temps. C’est moins le code du travail qu’il faut adapter aux transformations numériques en cours, que la répartition des gains entre les salariés et les actionnaires ». A la CFDT, le secrétaire national Hervé Garnier attend « un ministre qui s’occuperait aussi de la qualité de vie au travail et pas seulement d’emploi ». Et Daniel Cohn-Bendit conclut cette séquence par un vibrant « No Risk, no Fun. Les jeunes veulent se lancer, c’est bien mais il faut aussi les protéger. Pourquoi ne pas imaginer aussi des règles évolutives avec le temps, et les besoins individuels ? Par exemple, avec des horaires de travail diminuant avec l’âge ? C’est aux politiques de proposer de nouveaux équilibres ».
Politiques : à chacun sa méthode
Que disent les candidats à cette élection ? Sans surprise, la préservation de l’emploi occupe une place majeure dans leurs discours. Nicolas Dupont-Aignan veut par exemple abroger la directive européenne sur les travailleurs détachés. Il veut aussi aider fiscalement les entreprises qui relocalisent, et baisser les cotisations. La mesure est également au programme de François Fillon (représenté par la députée Isabelle Le Calennec) qui propose de la compenser budgétairement par une hausse de la TVA et une baisse de la dépense publique.
Tous se rejoignent sur la nécessité de protéger les « prolétaires du numérique », comprendre les chauffeurs de VTC par exemple, en requalifiant leur contrat ou au moins en formalisant la notion de subordination économique à un client principal.
On notera, dans ce catalogue de mesures largement consensuelles, quelques marqueurs plus nets :
- Le droit à des allocations chômage pour les démissionnaires et les indépendants (Emmanuel Macron, représenté par le député Christophe Castaner) ;
- L’encouragement à l’actionnariat des salariés chez Nicolas Dupont Aignan, qui propose de baisser d’un point le taux de l’IS pour chaque tranche de 2% d’actionnariat salarié ;
- La remise à l’honneur des négociations collectives chez Jean-Luc Mélenchon (représenté par l’économiste Guillaume Etiévant) ;
- La formation professionnelle confiée aux régions et aux branches chez François Fillon ;
- La baisse du temps de travail, volontaire et négociée chez Benoît Hamon, représenté par le député Denys Robiliard.
Alors, de quoi sera fait le travail demain ? Si nul ne le sait encore tout à fait, cet après-midi bien rempli aura montré que le thème constitue une préoccupation centrale de cette campagne présidentielle.