La France est peut-être devenue une « startup nation » mais il n’est toujours pas si facile, pour une petite structure, d’émerger de la masse. Ni pour les plus grandes, de détecter la pépite qui va l’aider à résister aux assauts de la concurrence. Quelques conseils pour être au rendez-vous de l’histoire.
Selon l’agence française du numérique, il y avait en France, fin 2016, 9400 startup oeuvrant dans le digital, dans les 13 métropoles labellisées French Tech + l’Ile de France, qui concentre 68% des implantations. Un chiffre considérable, et qui ne concerne que le seul secteur des technologies de l’information. Il existe également des filières très dynamiques dans l’agriculture, l’alimentaire, l’environnement, etc.
Mais si la France est devenue une « startup nation », la multiplication de ces jeunes talents rend leur sélection (vu du côté grands comptes) et leur émergence (vu des startupers) complexe et consommatrice de temps.
Choisir une stratégie et s’y tenir
Côté grands comptes, il n’est pas rare de recevoir plusieurs dizaines de dossiers de candidature par mois. Comment éviter de passer à côté de la pépite susceptible de changer son métier ou, du moins, d’aider à pérenniser son activité ? Les grandes entreprises ont pour cela mis en place des grilles de lectures, des équipes dédiées, des procédures adaptées. Quelques exemples :
- Abonnement à des lettres d’information (par exemple, CB-Insight) qui publient régulièrement la liste des startups en cours de levées de fonds
- Partenariat avec des blues angels, qui effectuent un premier tri avant de présenter les jeunes pousses les plus adaptées à la demande du client
- Procédures internes revues et allégées pour répondre dans des délais raccourcis aux sollicitations des startups (dossiers de candidatures)
- Processus d’achat et surtout de paiement accélérés (la trésorerie est bien souvent le talon d’Achille de la startup)
- Clauses juridiques de partenariat (y compris lors de prises de participation) simplifiées, et équilibrées dans le respect des intérêts présents et futurs de la startup
- Participation à des programmes de financement, par exemple en s’associant à des réseaux bancaires
- Fréquentation des incubateurs, en les sélectionnant toutefois car il y en a près d’une centaine en France. A Paris, Station F ou le Numa ont les faveurs du moment. Mais des incubateurs plus spécialisés existent dans chaque domaine.
- Mise en place d’événements internes – par exemple des hackatons dans le domaine numérique – permettant la rencontre de cadres dirigeants avec des jeunes entrepreneurs. Il existe aussi des concours, avec des aides financières à la clé.
S’appuyer sur des intermédiaires
D’autre part, certaines sociétés de conseil, par exemple Cap Gemini, n’hésitent pas à organiser des rencontres autour de POC (Proof of Concept) entre leurs clients Grands Comptes et des Startups spécialisées. Le groupe a ainsi créé plusieurs centres d’excellence thématiques dénommés AIE (Applied Innovation Exchange) ou AID (Applied Innovation Discover), à Paris mais aussi en région : pour la jeune pousse, l’investissement avant-vente de départ – quelques heures ou quelques jours de délégation pour réaliser un premier Used Case – avec le prospect, est relativement léger. Mais les retombées, sous forme de journées cette fois rémunérées de conseil et de réalisation, peuvent être tout à fait vitales pour son développement.
De multiples possibilités existent donc pour les startups. Elles doivent à la fois les connaître mais également faire des choix. Car courir tous les lièvres à la fois représente souvent le moyen le plus sûr de n’en attraper aucun !
Quelques conseils pour avancer vite et bien dans la coopération avec les grands groupes
- Identifier des cibles, des interlocuteurs et cultiver la relation
- Identifier les filières d’excellence de la profession : les labels French Tech en province, mais aussi les structures regroupant des acteurs de la R&D institutionnelle (IUT, laboratoires, etc). Se faire connaître d’eux assure à la jeune pousse une caisse de résonnance amplifiée auprès des acteurs du secteur, qui s’abreuvent souvent à cette source d’information et de stagiaires.
- Même démarche avec les agences économiques de développement, qui travaillent de plus en plus par filière
- Recenser les hackatons, les concours et autres évènements concernant votre secteur et jouer la carte à fond. Ne pas perdre son temps sur des évènements trop généralistes
- Rester agile sur le plan contractuel et commercial, sans pour autant perdre de vue vos intérêts
- Si la possibilité d’une entrée en capital apparait, bien évaluer la motivation de la grande entreprise. Un actionnaire dormant et/ou trop procédurier peut tuer votre dynamique d’innovation.
Dans une récente rencontre organisée sur ce thème de la collaboration Grands Groupes/ Startups, le groupe TNP par la voix de son partner Matthieu Poitrimol, pointe une nécessité impérieuse : « il faut que chaque partie définisse précisément ses objectifs lorsqu’elle se lance, dans l’open innovation partagée ». Et il invite aussi, dans un livre blanc, à penser la création de valeur mutuelle au-delà de la commercialisation d’un nouveau produit ou d’un nouveau service. Il est vrai que si « la grande entreprise a besoin d’insuffler un esprit entrepreneurial, d’acculturer les salariés vers un modèle plus proche des start-up afin de mieux préparer l’arrivée des générations Y et Z », la startup a de son côté tout intérêt à s’appuyer sur la maîtrise des processus, notamment d’industrialisation, fruit de l’expérience de son grand partenaire.
Des exemples emblématiques de la relation Startups Grands Groupes
Dans tous les secteurs, des entreprises établies choisissent de racheter des jeunes pousses, à la fois pour se nourrir de leur dynamisme et de leur capacité d’innovation, mais aussi pour éviter qu’un autre concurrent ne le fasse à leur place !
Secteur Banque : Leetchi (cagnotte en ligne) par Crédit Mutuel Arkhéa, Compte Nickel par BNP Paribas, KissKissBankBank (crowdfunding) par La Banque Postale
Agro-alimentaire : Michel & Augustin racheté par Danone
Energie : Mes Dépanneurs.fr racheté par Engie
Télécoms : Teads (publicité en ligne) racheté par Altice
Enfin terminons, pour rêver un peu ( !) par cette anecdote : en2012, Juniper Networks, spécialiste comme son nom l’indique des réseaux, a racheté la startup Contrails Systems pour 176 millions de dollars. Pourquoi s’en étonner. Parce que la jeune pousse, créée le mardi… a été rachetée le jeudi de la même semaine. Sur la simple promesse de produire des solutions que personne n’avait évidemment vues !