Stars des années 2010, passés de mode depuis, les réseaux sociaux d'entreprise servent-ils encore à quelque chose ? Bien éloignées des fantasmes initiaux de disparition des e-mails ou de la hiérarchie interne, des pratiques se développent pourtant - en particulier dans les grandes entreprises.
Les réseaux sociaux d'entreprise, véritables stars de l’entreprise 2.0 au début des années 2010, servent-ils encore à quelque chose aujourd’hui ? Depuis que le Gartner Group a publié, mi-2013, une retentissante note qui estimait que seuls 10% d’entre eux avaient atteint les objectifs assignés par leurs promoteurs, le sujet semble passé de mode. On ne voit plus de reportages sur leur utilisation dans les entreprises depuis plusieurs années, comme si la presse spécialisée, informatique ou sociale, avait tourné la page ; et à propos de pages, celle de Wikipédia consacrée au concept de réseau social d’entreprise ne cite aucune référence bibliographique postérieure à 2012… Quant aux projections de taille pour le marché des outils logiciels, elles s’arrêtent à la fin 2014. Elles datent de 2010 et sont signées, ironiquement, du Gartner Group qui, à l’époque, croyait dur comme fer que les services de messageries associées aux réseaux sociaux d'entreprise auraient remplacé l’e-mail pour au moins 20% des utilisateurs de l’entreprise.
Ce n’était pas le seul fantasme associé à cette transposition du web 2.0 dans l’entreprise, dont elle reprenait d’ailleurs les codes : profils, forums, murs, dans l’esprit de Facebook ou Linkelin. Pour mémoire, rappelons-en les principaux :
- La suppression du papier dans les échanges entre collaborateurs
- La disparition des mails venant de l’extérieur de l’entreprise, donc une amélioration de la disponibilité et de la productivité des collaborateurs
- La disparition, ou du moins l’effacement partiel des barrières hiérarchiques
- Le développement facilité du home office
- Le partage des connaissances
- La naissance de réservoirs à idées, avec discussion collective autour de propositions sur des forums
- La résolution collective de problèmes
- Le développement de la formation à distance
Pourquoi ces échecs ?
On le constate à la lecture de cette liste, tous les rêves ne se sont pas réalisés. Pourquoi ? Dans son analyse de 2013 le Gartner Group reprochait aux dirigeants d’avoir « installé le réseau, puis prié pour qu’il s’y passe quelque chose ». Un comportement insuffisamment impliqué du management qui a entraîné… la non implication des collaborateurs.
L’étude du Gartner calculait tout de même que 70% des grandes entreprises mondiales s’étaient dotées d’un réseau social d'entreprise. En juin 2014, une autre étude, française celle-là, apportait un éclairage légèrement différent. Mi-2014, Cegos consacrait en effet un chapitre de son étude annuelle sur les entreprises et les réseaux sociaux, à la problématique spécifique des réseaux d’entreprise. Résultat de son sondage, portant sur un échantillon représentatif de toutes les tailles de sociétés : 26% des interrogés disaient en disposer dans leur entreprise, 41% disaient ne pas en avoir, et 33% ne rien en savoir ! Et parmi les 26% équipés, 35% reconnaissaient ne pas s’en servir.
Pour les grandes entreprises, et pour un management impliqué
Bilan très contrasté donc, sauf peut-être dans les plus grandes entreprises, qui se sont d’ailleurs réunies sous la bannière de l’Observatoire des réseaux sociaux d’entreprise. Parmi les adhérentes, de nombreuses stars du CAC 40. Et assez peu de PME. L’observatoire tient régulièrement des conférences sur des thèmes comme les MOOC, le télétravail… et les questions relatives à l’appropriation des réseaux sociaux d’entreprise par les collaborateurs. Preuve que le sujet n’est pas épuisé, loin s’en faut. Et que le phénomène, même rentré dans le rang, conserve une certaine pertinence. Dans au moins trois cas.
Les clés du succès… et les raisons de persévérer dans une démarche de réseau social d’entreprise
La taille de l’entreprise est un facteur déterminant. Plus elle est grande, avec de multiples implantations, plus l’existence d’un réseau social d’entreprise va améliorer la découverte des profils distants de collaborateurs et leurs compétences. A contrario, dans la PME de quelques dizaines de personnes et mono-site, la machine à café, les soirées « incentive » et les déjeuners entre collègues peuvent jouer ce rôle…
L’implication du management est indispensable : d’abord pour financer la solution et son fonctionnement, avec des community managers par exemple. Mais aussi pour participer activement aux évènements organisés sur le réseau (forum, boites à idées, etc). Comme dans les cercles de qualité, les réponses apportées à l’implication des salariés sont essentielles. La dimension générationnelle joue également un rôle. Des managers habitués depuis longtemps à la pratique des réseaux sociaux se montrent naturellement plus à l’aise.
Des besoins de formation et de partage des connaissances : rien d’étonnant à ce que ces réseaux fonctionnent particulièrement bien dans les entreprises de haute technologie, où les pratiques de concurrent engineering ne les ont d’ailleurs pas attendues pour se développer. L’échange d’idées, de tutoriaux ou de contacts, ainsi que la mise en place de MOOC, sont facilités par le nouveau média.
Un outil de plus, pour ceux qui savent s’en servir
Finalement, et comme pour beaucoup d’outils, high tech ou pas, le réseau social d’entreprise n’est utile qu’à ceux qui savent ou sauront s’en servir. Cela demande des moyens et de la détermination. Et une capacité certaine à éviter les écueils de la pensée magique. A ces conditions, il garde toutes ses chances de trouver sa place dans la panoplie, déjà conséquente, des solutions permettant de renforcer l’engagement, l’efficacité et la communication entre un large échantillon des acteurs de l’entreprise.