Quand, comment, à qui transmettre une entreprise ? Doit-on désigner un successeur ? A quel moment partir ? Autant de questions qui agitent autant les PME que les multinationales, les commerçants que les géants du luxe. Et qu’il faut savoir traiter avant qu’il soit trop tard, comme le raconte la fin du règne de Soliman le Magnifique.
Le règne de Soliman le Magnifique est l'apogée de l'empire ottoman qui s'étend alors sur une partie de l'Afrique, de l'Asie et de l'Europe de l’Est. Un empire puissant, évolué et prospère. Istanbul, sa capitale, se couvre de monuments magnifiques grâce à Sinan, l'architecte du règne, qui impose son style. Les arts fleurissent, l'administration bourdonne, le commerce prospère. A la fois poète, mécène, polyglotte et visionnaire, le roi Soliman n’est cependant pas immortel… et sa succession ne sera pas un long fleuve tranquille.
Choisir un héritier
Soliman a de nombreuses épouses qu’il loge au harem. Loin d’être un lieu de plaisirs, ce sérail est avant tout un lieu d’intrigues politiques. Plus encore lorsque Soliman épouse une esclave du nom de Roxelane, fille d'un prêtre orthodoxe ukrainien. Ambitieuse, celle-ci fera tout pour pousser l’un de ses fils sur le trône, devant Mustapha, le fils aîné du sultan né de sa première favorite. Habilement manipulé par Roxelane, Soliman fera successivement assassiner son ami d’enfance le vizir Ibrahim Pacha, son propre fils ainé Mustapha, et tous ceux qui auraient pu barrer la route à Sélim.
Comme Soliman, celui qui veut transmettre une entreprise peut s’entourer de proches, d’amis, pour choisir un successeur. Ces relations ouvrent toutefois la porte au tribalisme et peuvent ajouter à la difficulté d’exercer un choix juste et raisonnable.
Orchestrer la succession
Si Mustapha apparaissait comme l’héritier légitime, y compris aux yeux des ambassadeurs européens, la succession n’est pas qu’une affaire d’ordre de naissance. La rivalité est maintenue, voire encouragée entre les enfants de Soleman. Chacun d'eux manœuvre ouvertement pour éliminer ses rivaux en utilisant la force et l’intrigue, celui qui sera désigné pour régner s’imposant en quelque sorte comme le « protégé » de Dieu.
Faute de favoriser le meilleur ou le plus apte des candidats, la succession va donc s’organiser selon une méthode purement providentielle – que le plus manœuvrier gagne !
Gérer une période de transition
Toujours en quelque campagne militaire, Soliman rend finalement l’âme en Hongrie. Mais comme rien n’est prêt pour la suite, sa mort va demeurer pendant un temps cachée à l’armée afin de conserver la motivation intacte. On raconte même que son cadavre habillé avait été promené de camp en camp, animé, « comme une marionnette », le temps que la campagne se termine !
En 1566, Soliman était déjà âgé, sa mort n’était donc pas une surprise. Pourtant elle entraîna la panique parmi ses conseillers. Comme si l’empire ne devait pas survivre à la disparition de cette personnalité hors normes qui avait régné pas moins de 46 ans. A sa mort, l’Empire ottoman allait d’Alger à La Mecque et de Bakou à Budapest. Une réussite qui prit de nombreuses générations d'héritiers à défaire…
Lors d’un changement de dirigeant, il est important d’organiser une période de transition, voire une période de « co-direction » pour éviter une rupture brutale.
Transmettre une vision
L’absence de préparation, et de collaboration entre Soliman et son fils Sélim, empêchera la transmission réelle d’une vision et d’un projet concerté dans la durée. Le fils va entrer en possession d’un patrimoine à la fois immense et fragile ; et s’il a son opinion sur ce qu’il faut en faire, il n’aura pas forcément la clairvoyance ou la capacité d’action de son père, qui aurait pu lui indiquer les chantiers prioritaires et les points d’attention…
Dans une atmosphère de guerre civile, Sélim II (surnommé "l'ivrogne" !) va se concentrer sur les actions militaires. Et la tradition de l’élimination perdurera longtemps : le successeur de Sélim éliminera ses cinq frères lors de son accession au pouvoir, le fils de ce successeur fera assassiner ses 19 frères (!), et les intrigues de palais prendront une importance toujours plus grande.
Toute ressemblance avec des entreprises existantes ou ayant existé ne serait naturellement que pure coincidence…!