Le tennis est un sport où l’on apprend à rebondir et à avoir le sens du service (gagnant), où l’on a besoin de cadres (et pas seulement ceux des raquettes), où l’on parle d’échanges et de revers (les liftés ou slicés étant plus prisés que ceux de fortune), de reprise (d’appuis) et de montées au filet : une activité sur-mesure pour les managers ? Par David Brunat.
La performance est individuelle et collective
D’abord, les as de la raquette nous rappellent qu’il n’existe aucune réussite solitaire, aucune performance qui ne s’appuie sur une équipe. Le tennis est un sport individuel, mais la victoire est toujours collective. Tous les cracks du circuit ATP et WTA disposent aujourd’hui d’un staff imposant : entraîneur, préparateur physique, cordeur, préparateur mental, kiné, diététicien, etc., sans oublier l’entourage familial, déterminant.
Lors des matchs, la loge des joueurs est prise d’assaut par une véritable « bande organisée »: coach, agent, conjoint ou petit(e) ami(e), amis, parents, quelques people ... A chacune de ses rencontres officielles, Novak Djokovic demande une trentaine de places pour son entourage ! Roger Federer, après sa victoire sur le Japonais Nishikori, lors du dernier Open d’Australie, s’est écrié : « Pour mon équipe, ça montre qu’on a fait du bon boulot. Gagner en cinq sets, c’est une victoire d’équipe. »
Autrement dit, les plus belles performances des meilleurs solistes de la raquette ne sont pas le fait d’un seul homme mais d’un groupe, d’une véritable PME dont chaque membre tient un rôle bien précis. « Derrière les succès d’un individu, il y a nécessairement tout un réseau d’intelligence et d’efficacité qui les ont rendu possibles. La réussite individuelle s’étaye toujours sur un dispositif collectif, qui est parfois peu visible mais toujours essentiel », analyse le sociologue du sport Bertrand Pulman [1].
Chaque jour remettre son ouvrage sur le tamis
Les plus grands se remettent en question en permanence. Dans les années 80, Mats Wilander changea son jeu du tout au tout en apprenant un tennis d’attaque après avoir « limé » des années du fond du court comme un métronome. Federer réinvente son jeu tous les jours ou presque. Titulaire du plus beau palmarès masculin de l’histoire, le Suisse ne s’est jamais reposé sur ses lauriers. Jamais repu, il n’a cessé de travailler, de perfectionner ses coups, de parfaire son physique tout en se ménageant. Abdos, boulot, dodo. Bingo !
Le sens de la résilience
Leçon d’humilité et d’énergie : aller de l’avant, se transcender, se sublimer, et apprendre de ses défaites autant que de ses victoires pour gagner encore plus, encore mieux, encore plus longtemps.
Maintes fois blessé, souvent annoncé comme « fini », Rafael Nadal a inlassablement forcé le destin. Les prodiges de la balle jaune sont des princes (ou des princesses !) de la résilience. Parmi leurs atouts majeurs : une connaissance intime de leurs forces mais aussi de leurs fragilités, qui fait qu’ils savent s’arrêter à temps, recharger les batteries, s’accorder des breaks pour éviter autant que possible la blessure ou le burn-out.
Rendre le respect qu’on inspire
Un mot d’ordre : le respect. De ses adversaires, de l’arbitre, du public, des sponsors, des instances officielles, des médias, et de soi-même. Bref, de l’ensemble des parties prenantes, y compris ces précieux collaborateurs en culotte courte : les ramasseurs de balles !
Egalité des sexes
Enfin, le tennis nous adresse à tous une belle leçon d’égalité des sexes. Pratiqué dès l’origine par les deux sexes comme jadis son ancêtre le jeu de paume, il assure aux femmes et aux hommes, depuis les années 70, des gains en tournoi (« prize money ») identiques à l’euro ou au dollar près. Combien de sports, combien d’entreprises peuvent en dire autant ? Celui qui brandira dans quelques jours la Coupe des Mousquetaires ne gagnera pas un centime de plus pour cet exploit que celle qui aura décroché la Coupe Suzanne-Lenglen (et ce qui est vrai de Roland-Garros l’est de tous les tournois du Grand Chelem.) Compétitivité, sportivité, parité !
On l’aura compris : le tennis a plus d’une corde managériale à son arc, et nous ne saurions trop conseiller aux cadres et dirigeants d’entreprise de se mettre à l’écoute des messages que nous envoie la planète jaune. Anyone for tennis ?
[1] Ce que le sport de haut niveau nous apprend sur le collectif, Harvard Business Review, avril 2017.
David Brunat est Normalien (ENS Ulm), diplômé de Sciences-Po Paris et en philosophie. Il est l’auteur de nombreux ouvrages, parmi lesquels Les miscellanées du tennis (Fetjaine), et Balles trappe (Publibook).
D’abord membre de différents cabinets ministériels et de collectivités publiques, puis cadre dirigeant d’une organisation professionnelle à vocation financière et comptable, David Brunat est aujourd’hui conseil en relations institutionnelles et stratégies d’influence (Or & H Conseil), et Senior Adviser chez PwC.