Au cours d'une conférence très suivie à l’occasion du salon Solutions RH 2019, Emmanuelle Pays d’Extia et François Alonge d’Edenred ont partagé leur expérience de la digitalisation du titre-restaurant. Synthèse.
25 ans après l'apparition d'internet, la digitalisation s'est imposée à tous. La généralisation du numérique a remis en cause l'organisation du travail, et son usage personnel au quotidien a développé de nouvelles exigences vis à vis de l'univers professionnel. Aussi, dans une période où de nombreux métiers sont en tension et certaines ressources rares, il n'est plus question de suivre le mouvement ou pas… mais plutôt de se demander comment conduire cet alignement avec les nouvelles pratiques.
Les titres-restaurant ne font pas exception à la règle, notamment depuis l'apparition de la carte Ticket Restaurant® en 2015. Le 19 mars dernier François Alonge, Directeur National des Ventes Middle Market chez Edenred, a fait le point sur cette transformation, et Emmanuelle Pays, DRH d'Extia et de Logware, a partagé avec une salle comble son expérience de la dématérialisation des titres restaurant. Extraits.
La DRH au cœur du mouvement
Dématérialisation des bulletins de paie, prélèvement à la source, échanges avec la DGFIP et les caisses, et désormais coffres forts numériques : les pouvoirs publics et l'évolution de la règlementation ont mis en pointe les départements RH dans la transformation numérique. Dans le même temps, les réseaux sociaux ont pris une place majeure parmi les outils de recrutement : leur usage s'est multiplié par 4 en 10 ans, et au moins un recrutement sur deux y fait aujourd'hui appel, d'après une enquête Usine Digitale/Sopra HR de 2017.
L'arrivée massive des digital natives sur le marché du travail devrait renforcer encore cette tendance : en 2025, les Millennials représenteront 75% des actifs dans le monde, selon l'INSEE et Kantar World Panel. Les attentes de cette génération, fortement attachée à sa qualité de vie et à la liberté que lui apporte le numérique, sont plus que jamais à prendre en compte : pas question que leur entreprise leur fournisse des outils moins avancés que ceux qu'elle utilise pour commander en ligne, organiser ses loisirs ou communiquer avec ses proches !
Gagner en cohérence et en efficacité
A titre d'exemple, 43% des 18/24 ans aimeraient utiliser leur téléphone mobile pour régler leurs achats - contre 28% des Français[1]. Les jeunes collaborateurs plébiscitent aussi la livraison de plats commandés via une application ou sur internet, une méthode qui génère déjà plus d'un milliard d'euros d'achats en France et plus de 20 milliards en Europe. Ainsi, dans l'entreprise d'Emmanuelle Pays, 74% des utilisateurs de la carte Ticket Restaurant® qui se font livrer leurs repas sont des Millennials.
A cette nécessité de répondre aux attentes des salariés s'ajoute la volonté de réduire les coûts de traitement. En matière de titres-restaurant, on évalue généralement à 3 minutes par salarié, chaque mois, consacrées à la distribution des carnets de tickets. Une fois ceux-ci dématérialisés, le temps nécessaire est divisé par 10. Les RH ne sont pas les seules à en bénéficier : 80% des employés estiment que la transformation numérique leur fait gagner du temps[2].
Dématérialisation du titre-restaurant chez Extia : deux expériences en une
Emmanuelle Pays est DRH d'un groupe de plus de 2000 personnes, comprenant notamment Extia, une société de conseil en ingénierie de 1300 personnes où la moyenne d'âge est de 30 ans, et Logware, une société acquise voici deux ans, composée de 700 personnes - moyenne d'âge 37 ans. 85% des salariés travaillent sur des sites distants. Extia a obtenu en 2018 une enviable 2ème place au classement Great Place to Work des entreprises de 500 à 5000 employés.
« La situation était différente entre les deux entreprises : les collaborateurs de Logware disposaient de titres papier traditionnels, et il s'agissait de digitaliser une habitude bien ancrée. Tandis que chez Extia, la mise en place de l'avantage social s'est faite directement avec la carte. » Chez ceux qui disposaient déjà du papier, seuls 10% déclaraient au début regretter le changement, mais dans la pratique l’usage de la carte a généré très peu de remontées ; « aujourd’hui, elle est passée dans les mœurs », témoigne Emmanuelle Pays. La DRH a mis en place un pilote à son agence de Lille, auprès de 150 bénéficiaires. L’expérience a permis d’identifier les freins, et de les adresser en communication interne via une plaquette explicative, avant le déploiement à toute la société.
Les peurs constatées tenaient surtout à l’encadrement de l’utilisation des titres : limitation à 19€ par jour, du lundi et samedi – des obligations règlementaires qui étaient parfois contournées jusqu’alors. Mais les avantages n’ont pas tardé à prendre le pas sur les réticences :
- Praticité, tant pour les bénéficiaires que pour les gestionnaires,
- Multiplicité des accès et facilité de suivi : application, plateau téléphonique, site internet…
- Paiement au centime près, qui permet une utilisation au fil de la journée, y compris pour des petits montants,
- Souplesse dans la prorogation des droits d’une année sur l’autre,
- Sécurité identique à une Mastercard,
- etc.
Les deux intervenants évaluent le temps d’adaptation entre 3 et 6 mois selon les populations. Pour Emmanuelle Pays, une fois intégré par les restaurants d’entreprise, et dans le logiciel de paie, le titre-restaurant dématérialisé est désormais solidement installé, et génère 150 K€ de transactions par mois.
François Alonge conclut : « Il n’y a pas d’exemple de retour en arrière d’une entreprise qui a mis en place la dématérialisation du Ticket Restaurant®. Avantage social préféré des Français, générateur d’économies de cotisations sociales tant pour le salarié que pour l’entreprise, le titre-restaurant profite aussi au commerce local, qui bénéficie en moyenne de 2,55 € de chiffre d’affaires pour chaque euro de participation patronale. »
[1]L’usine Digitale, Aujourd’hui le paiement mobile. Demain, la fin du cash ?
[2]Baromètre Digital Workplace 2017