La gamification est l’un des buzzwords du moment. Elle est défendue par des sociétés aussi sérieuses que SAP, PayPal, Microsoft ou Black & Decker. De quoi s’agit-il concrètement ? Est-ce vraiment si nouveau ? Comment faire pour que ça marche ? A la découverte de la gamification.
Le jeu est le propre de l’homme
La gamification consiste « à utiliser des mécaniques de jeu, et plus particulièrement de jeux vidéo, pour développer l’engagement de l’utilisateur ». L’engagement dans quoi ? Dans un projet nouveau, un environnement de travail transformé, un challenge partagé, ou… dans des tâches obligatoires considérées comme rébarbatives. L’idée de la préférence humaine pour le jeu est évidemment sous-jacente.
Une nouveauté toute relative
La gamification est un concept encore récent en France – la première conférence lui a été consacrée en juin 2012. Pourtant, depuis 2008 et si vous utilisez Nike+, non seulement vous pouvez suivre les performances de vos sorties, mais en plus vous pouvez les comparer avec celles de vos partenaires en temps réel…
On pourrait remonter bien plus loin dans le temps en rappelant le système des bons points, utilisé autrefois à l’école primaire. Ces récompenses étaient distribués par l’instituteur au fur et à mesure des efforts et des réussites, et les écoliers les échangeaient contre des images et autres lots – disposant ainsi d’une monnaie qui leur était propre.
Les jeux vidéo ont donné une nouvelle jeunesse au principe. Ils développent une « boucle de l’engagement » pour captiver l’attention du joueur le plus longtemps possible, et lui offrir un cocktail de satisfactions, immédiates et postérieures. Les techniques contemporaines de gamification s’en inspirent largement.
Faciliter l’adhésion, encourager l’engagement
L’objectif de la gamification est l’engagement. Par engagement il faut entendre la volonté de consacrer du temps et des ressources cognitives à ce qui est présenté – pour des agendas chargés, il s’agit même de créer une préférence.
La gamification offre un large champ d’application, dont notamment :
- La formation
- Le management
- L’incentive
- Le marketing
Formation
Pour qu’une formation réussisse, elle doit être suivie au plus vite d’une application pratique et répétée des principes acquis. La gamification intervient alors en facilitateur d’apprentissage, pendant et après la formation. C’est le cas de l’utilisation de Serious games par Renault dans le cadre de la formation de 15,000 conseillers vendeurs et commerciaux.
Il peut s’agir de l’utilisation d’un nouvel outil – par exemple un nouvel intranet, un nouveau CRM, ou un outil partagé de social selling. LinkedIn offre un exemple intéressant. Pour encourager ses membres à compléter leur profil, et à prendre davantage la main sur leurs données, il a mis en place une barre de progression sous forme d’un cercle qui se remplit progressivement.
Gamification, suivi et dynamisation des performances commerciales
En matière commerciale, la gamification n’a pas attendu l’invention du néologisme pour être une réalité bien concrète, née entre autres de la difficulté à obtenir un reporting de qualité de la part de beaucoup de vendeurs. La dématérialisation fait avancer le concept : par exemple les boutiques virtuelles qui permettent de dépenser ses points apportent un progrès par rapport aux catalogues papier (ne serait-ce que par la diversité des biens ou services qu’elles permettent d’acquérir).
Pour ne citer que lui, Microsoft rachète continuellement des plates-formes de gamification comme Incent Games, With Eye, FantasySalesTeam, et beaucoup d’autres, avec comme objectif de les intégrer dans son logiciel CRM Dynamics.
IBM a compris depuis longtemps l’intérêt de la dimension ludique dans une relation B2B, et a développé son jeu de simulation d’entreprise : « CityOne ». Les joueurs doivent résoudre des problèmes dans quatre domaines : banque, commerce, énergie, eau. Les scénarios permettent de mieux comprendre les implications pratiques de décisions d’entreprise, un peu dans l’esprit de Sim City. Le jeu supporte l’idée d’une « infrastructure intelligente », et engage les joueurs dans l’idée que des solutions « smarter computing » sont capables de résoudre de sérieux problèmes. CityOne a aujourd’hui plus de 20,000 joueurs réguliers, et est désigné comme l’une des tactiques de lead generation les plus efficaces à ce jour. |
Une gamification bien menée peut aider à sortir de la routine des challenges commerciaux répétitifs, faire préférer cette action à d’autres, et peut-être… relancer l’enthousiasme.
Le suivi de sa participation à un challenge collectif
Il n’y a pas que le commerce dans la vie d’une entreprise. Par exemple, dans une société de BTP, le taux d’accidents du travail constitue un objectif clé pour le management. Concourir pour devenir la région la plus sûre du réseau national va aider à le faire descendre.
La poursuite d’objectifs environnementaux peut prendre elle aussi une forme ludique. Elle commence avec l’utilisation des dispositifs de recyclage… et peut finir en un escalier musical, comme chez Volkswagen.
Le recrutement :
Uber recrute des ingénieurs en organisant (on-line) des concours de codage et un challenge pour les hackers : 10,000 $ à celui d'entre eux qui trouvera un bug susceptible de compromettre la sécurité et la vie privée des utilisateurs.
Les clés de la réussite d’un projet gamification
Pour qu’une action de gamification donne tous ses fruits, on admet généralement qu’elle doit comprendre cinq éléments :
- Une intrigue,
- Un défi,
- Une récompense,
- Un statut,
- Une communauté.
Le cycle (la boucle, selon certains auteurs) d’engagement comprend trois étapes clés :
- Motivation : la raison qui va intéresser le participant. Pour faire entrer dans cette boucle, il faut un élément déclencheur : une invitation, une mini-site, une campagne interne…
- Une action intéressante, ou au moins pertinente
- Un feedback, qui devra générer l’envie de s’améliorer et la motivation à continuer. Le feedback doit être immédiat (ou le plus proche possible de l’action), directement lié à l’action, affirmatif quant aux réussites – et donner des pistes d’amélioration immédiate.
Tout sera ensuite question de créativité. Une fois établi le scénario du jeu, il faut en particulier soigner les interfaces : dans leur vie numérique personnelle, les collaborateurs sont habitués aux meilleures ! La concurrence est rude pour conquérir l'attention et devenir un sujet de conversation : les jeux proposés doivent être (presque) aussi attirants que Grand Theft Auto, Call of Duty ou Super Mario. Aux Etats-Unis, on constate une implication croissante des game designers professionnels dès le stade de la conception du programme.
La gamification, un chemin plus ambitieux qu’il n’y parait
Technique d’engagement récurrent dans un projet ou dans une tâche, la gamification a démontré ses avantages, et offre un vaste champ d’applications. Elle correspond aussi à un mode de management où les objectifs sont clairs, les résultats transparents et les récompenses justement réparties. Ne serait-ce que pour cela, elle n’est pas qu'un buzzword de plus.