"Motivés » hier, « engagés » aujourd'hui : des salariés fiers de leur entreprise, se reconnaissant dans ses valeurs et sa stratégie, ne comptant pas leurs efforts. Un rêve de manager qui peut se mesurer au travers d’enquêtes à renouveler régulièrement. Sans oublier de les faire suivre de mesures concrètes d’amélioration.
Qu’est ce qu’un salarié engagé ? La question mérite d’être posée, même si ce terme d’engagement parait aujourd’hui balayer tout sur son passage, remplaçant l’ancienne expression « salarié motivé » qui jusque là suffisait à décrire une personne dévouée à l’entreprise, fidèle, ne comptant pas ses heures, etc.
Daniel Baroin, Vice-Président de la société de conseil RH Carewan et président de l’Observatoire de l’engagement créé en 2014, reconnaît volontiers le côté protéiforme des définitions de cet engagement : « il y a un courant universitaire, un courant psychologie du travail, etc ». Mais il se réfère aux études menées par l’Observatoire pour souligner la convergence des attentes des dirigeants autour de quelques valeurs phares :
- fierté d’appartenance,
- recommandation de l’entreprise,
- compréhension de la stratégie,
- investissement au travail,
- adhésion aux objectifs.
Dans les enquêtes proposées par des cabinets spécialisés comme Ipsos, TNS Sofres, Aon, Korn Ferry ou Tower Watson, ces thèmes forment ce que Serge Perrot, professeur à l’université Paris Dauphine, appelle le cœur des modèles d’évaluation. Il a en effet réalisé, pour le compte de l’Observatoire de l’engagement, une étude sur les pratiques des grandes entreprises françaises et des principaux cabinets, en matière de mesure de l’engagement des salariés (http://observatoire-engagement.org/wp-content/uploads/2016/03/Etude-Mesure-de-lEngagement-des-collaborateurs.pdf).
Le leviers de l'engagement
« Il est frappant de constater, souligne Daniel Baroin, que l’offre est convergente, autour de paramètres clés qu’adoptent toutes les entreprises et les sondeurs, sans s’être pour autant concertés auparavant ». Toutes les enquêtes abordent également, plus ou moins en profondeur – certaines d’entre elles posent jusqu’à 80 questions – ce qui constitue les « leviers de l’engagement », rassemblés sous quatre bannières :
- Le management : clarté de la stratégie et des objectifs, sentiment d’y contribuer, confiance dans les managers, transparence. Et vis à vis du management de proximité : sentiments de respect, reconnaissance, responsabilisation, …
- Le travail proprement dit : permet-il de se lancer des challenges, d’agir en autonomie, de donner du sens, de respecter l’équilibre vie personnelle / vie professionnelle ? L’organisation du travail offre-t-elle les bonnes ressources, de la sécurité, de l’efficacité ? La qualité des relations en équipe et inter-équipes est-elle bonne, favorise-t-elle l’innovation, la diversité, l’inclusion ?
- La politique RH : le parcours professionnel offre-t-il des opportunités de développement et des perspectives de carrière ? Existe-t-il des possibilités de se former, une culture de l’apprentissage ? Comment se déroulent les évaluations, la gestion de la performance ?
- L’entreprise elle-même : valeur de la marque, qualité et services client, réputation de l’employeur. Mais aussi, politique RSE (diversité et implication des collaborateurs) et communication (interne et externe).
Le taux de réponses à l'enquête, premier indicateur
« L’objectif, pour beaucoup de DRH et de directions générales, est de calculer un indice composite de l’engagement de leurs équipes, à améliorer dans le temps. Une sorte d’indice qualifiant le capital humain. C’est une photo intéressante, mais il ne faut pas s’en contenter » continue le président de l’Observatoire. Le taux de réponse aux enquêtes fournit également des indications, surtout lorsque celles-ci sont renouvelées - tous les deux ans en moyenne.
Les DRH ont depuis longtemps d’autres indicateurs à leurs dispositions. Peuvent-ils être corrélés à l’engagement mesuré des salariés ? Pas si sûr ! « Vous avez des entreprises où le turn-over est très faible, par exemple pour des questions de sécurité d’emploi, et où l’engagement l’est également » relève par exemple Daniel Baroin. « En revanche, l’intéressant avec ces enquêtes sur l’engagement, c’est que le DRH peut enfin venir discuter de la stratégie RH à mener, en comité de direction, en appuyant ses requêtes sur des chiffres ».
La mesure doit être suivie de mesures…
Le lien avec les politiques RSE se fait assez naturellement, même si les enquêtes d’engagement sont plutôt menées à l’initiative de la DRH. Mais il ne s’agit pas d’un effet de mode et d’affichage qui serait destiné à embellir le rapport annuel. « La plupart des entreprises ont dépassé cela. Elles se servent de l’enquête comme d’un véritable instrument pour accompagner leur stratégie RH. Et donc, prennent des mesures correctrices lorsque certains indicateurs évoluent dans le mauvais sens ».
Ces mesures constituent le meilleur moyen de renforcer l’engagement des salariés. « Si les collaborateurs perçoivent que l’enquête a permis des inflexions, par exemple sur la politique de développement et la gestion de parcours, ou encore sur certains processus internes, cela ne peut que les conforter ».
Plus question de mesurer l’engagement sans s’engager soi-même à améliorer la situation
A l’inverse, une absence de retour – informations sur les résultats de l’enquête, ou décisions affichées en découlant – peut avoir des effets délétères. Ce point concerne en particulier le management intermédiaire, qui se voit sollicité pour inciter ses équipes à participer à l’enquête… et ne reçoit pas toujours grand-chose en retour. « Dans l’idéal, note Daniel Baroin, il faut qu’il bénéficie à la fois d’informations spécifiques sur la teneur des réponses dans son équipe (en respectant bien sur l’anonymat des participants)… et ce n’est pas toujours le cas. Et qu’il reçoive un soutien de la RH pour améliorer ses pratiques de management les plus perfectibles, ce qui n’est pas non plus systématique ».
Il reste qu’à l’heure de la généralisation des « like » et des « unlike » dans tous les domaines de notre vie, y compris professionnelle, ne pas prendre en compte le ressenti des salariés apparaît vite anachronique. Plus question pour le management de mesurer l’engagement de ses collaborateurs sans s’engager soi-même à améliorer la situation !