Réflexion, impartialité, contrôle des émotions … autant d’aptitudes réputées nécessaires pour diriger. Or, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à faire appel à l’instinct et à la spontanéité de leurs collaborateurs. Comment trouver l’équilibre entre ces compétences antonymes, dont les unes proviendraient de notre cerveau droit, et les autres du gauche ? Peut-on réconcilier nos deux cerveaux ?
S’il est vrai que tout homme a deux cerveaux, la réalité des entreprises est que ses collaborateurs en général, et ses cadres en particulier, privilégient outrageusement un seul de leurs deux lobes : la réflexion plutôt que la création, la déduction plus que l’intuition. À l’heure où beaucoup d’organisations cherchent à se réinventer, est-ce que l’on oublierait pas quelque chose ?
Une dualité remise en question
La théorie dualiste, appelée aussi « asymétrie cérébrale » et énoncée par Paul Broca en 1861, oppose le cerveau droit, associé à l’émotivité, au cerveau gauche, considéré comme plus cartésien et dogmatique. Cette théorie est aujourd’hui remise en question. Les neurosciences évoquent davantage la présence de trois cerveaux (le reptilien, le limbique et le néocortex), ou carrément d’un deuxième cerveau, plus digestif : le ventre. Quoi qu’il en soit, la tendance penche désormais en faveur d’une véritable conciliation entre les différents organes de la pensée.
La créativité revient à l’honneur
Une évolution qui n’est pas sans conséquence dans les méthodes de management, qui s’assouplissent. Gary Hamel, conférencier et professeur à la London School of Economics, auteur de La Fin du Management parle même de la « bureau-sclérose » pour désigner les limites du management à l’ère du digital. À force d’utiliser des produits préformatés, les managers deviennent moins créatifs et perdent en originalité. Preuve à l’appui : le brainstorming, utilisé pour stimuler en interne les idées créatives, est aujourd’hui jugé des plus inefficaces par les collaborateurs. « Une bonne idée concrète, c’est d’abord une idée de solution, d’innovation ou de stratégie, à laquelle croient ceux qui vont la mettre en œuvre », écrivaient les auteurs de L’Intelligence créative au-delà du brainstorming. Innover en équipe, dès 2004.
Apprendre… à désapprendre
Pour Bernadette Lecerf-Thomas, spécialiste de l'approche systémique et du coaching d'organisation, auteure du livre Neurosciences et management, le pouvoir de changer (2009), les plus cartésiens devront aujourd’hui « désapprendre pour mieux apprendre ». Selon la formatrice, il faudrait aujourd’hui « s’extraire de la prison de la répétition de pratiques connues, rabâchées, qui viennent d’une époque révolue ». Elle conseille « d’instaurer de nouveaux processus agiles et disruptifs, dans un esprit de découverte, de prise de risque et d’interactions authentiques ».
« Apprendre à gérer ses émotions » fait partie des préconisations des adeptes des soft skills en entreprise. Il est nécessaire de valoriser ses compétences comportementales dites « douces », telles que la créativité ou l’empathie. Une question (en partie) de conjoncture pour Jérôme Hoarau, co-auteur avec Fabrice Mauléon et Julien Bouret du livre Réflexe Soft skills (2014) : « L’évolution du monde du travail, notamment avec la robotisation, l’automatisation et l’intelligence artificielle, nous oblige à miser sur le capital humain, donc les soft skills. ». Considérer le bureau comme un espace de vie, ou favoriser un maximum le mouvement (tables de travail à double position, assis/debout par exemple), peut aussi stimuler la créativité.
Nous ne sommes peut-être pas tous égaux pour réconcilier nos deux cerveaux. D’après une étude américaine publiée dans Bayesian Analysis, tout est une question de « connexions cérébrales » entre les deux hémisphères. Les personnes les plus créatives en auraient davantage que les autres…