Ils doutent de tout et développent un esprit critique hors du commun ? Les sceptiques ont surtout besoin d'être confortés et valorisés. L'important est de savoir ce qui se cache derrière leurs doutes, dans lesquels peut aussi se trouver une pépite…
“Le sceptique est le désespoir du diable. C'est que le sceptique n'étant l'allié de personne, ne pourra aider ni au bien ni surtout au mal. Il ne coopère avec rien, même pas avec soi, écrit Michel Cioran, philosophe et écrivain. Mal interprétée, cette citation pourrait rapidement nous faire tomber dans la caricature d'un sceptique se cantonnant dans l'opposition systématique, entraînant avec lui toute une équipe, voire flirtant avec la théorie du complot.
Le scepticisme exprime un doute
« Je ne crois pas aux personnalités globales, explique Patricia Gleville, coach professionnelle. Quelqu'un peut avoir des tendances sceptiques, sans l'être exclusivement. Le scepticisme exprime avant tout un doute. Il est important de savoir ce qui se cache derrière. »
Le doute peut exprimer un manque d'assurance en soi et une angoisse face à tout ce qui peut bouleverser le quotidien. Du reste, en période de changement et de mutation dans l’entreprise, le scepticisme devient souvent l'état d'esprit le plus partagé.
Un doute peut aussi se construire en réaction à une souffrance vécue au travail, une parade à un traumatisme. Mise au placard, promesse non tenue, refus d'une promotion, voire humiliation en public ou harcèlement, autant d'événements qui peuvent conduire à se retrancher dans une attitude critique.
Rester positif
« Parfois, le scepticisme est tout simplement lié à un manque de compréhension, un défaut d'information, ou d'assurance en ses capacités à réaliser une tâche », reprend Patricia Gleville. D'où la nécessité pour le manager de rester positif, de ne pas toujours contrer ou réagir aux critiques du sceptique. Cela risque de le renvoyer encore plus à ses doutes, et de lui permettre de rallier les autres membres de l'équipe en montrant que vous ne tenez pas compte de ses avis.
Au contraire, le sceptique a besoin de preuves, d'éléments tangibles, de faits incontestables pour adhérer à une idée ou un projet. Sur lui, les discours généraux ou les envolées lyriques n'ont aucune prise.
Derrière le doute peut se cacher une excellente idée !
Le manager doit rester concret, factuel, « communiquer avec des questions ouvertes et écouter, insiste Patricia Gleville. Le “tu devrais” ou le “il faut” bloque l'interlocuteur. Alors que le “qu'est-ce qui te fait douter ?”, “qu'est-ce qui te fait dire ça ?” ouvre la discussion. Les managers français ne voient souvent que le verre à moitié vide. Or le doute s’avère parfois très positif. Le frein à l’origine du doute peut déclencher une excellente idée ».
Douter de tout peut devenir destructeur, douter de rien l'est tout autant
Après tout, le doute et la critique constituent les principaux moteurs pour se remettre en question. « Les sceptiques sont les hommes les plus consciencieux », écrivait ainsi Balzac dans La Peau de Chagrin. Du moins le doute et ceux qui en sont porteurs nous obligent-ils à ne pas foncer tête baissée, à pousser plus loin une analyse qui, à première vue, nous paraissait évidente, à ne pas nous reposer sur des certitudes, bref… à progresser.
Douter de tout peut devenir destructeur, douter de rien l'est tout autant. Tout est affaire de dosage. Dans une équipe, les sceptiques peuvent être des aiguillons, à condition de ne pas être trop nombreux au point de paralyser toute action.
N'oublions pas que, s'il est aujourd'hui considéré de façon plutôt négative, le scepticisme est avant tout un courant de pensée philosophique qui s'oppose à l'idée de vérité absolue. Une philosophie qui peut s'avérer très constructive !