En février 2018, le Times rapporte qu’il n’existe pas en Grande-Bretagne de métier plus risqué que celui de middle manager dans le secteur de la grande distribution (Retailers axe middle managers*). Plus généralement, les managers intermédiaires souffrent depuis toujours d’une position entre le marteau et l’enclume, mais de nombreux facteurs semblent aujourd’hui remettre en question jusqu’à leur existence.
Disposant de supérieurs hiérarchiques mais aussi, de collaborateurs à diriger, les middle managers encadreraient 50 à 80 % des salariés selon une étude du Boston Consulting Group et du groupe RH de Sciences Po Alumni. Leur place est cependant remise en question.
Une fonction délicate et pourtant cruciale
Alors que la fonction est considérée comme le « levier de la performance et de la satisfaction client », d’après cette même étude, 66 % des DRH estiment que le rôle des managers intermédiaires est « mal connu ». Pire encore, ces derniers perdraient 30 % de leur temps dans des « réunions non concluantes », et s'éloigneraient ainsi des décisions stratégiques. Résultat ? Un manque de reconnaissance accru : 75% des managers intermédiaires se sentent considérés comme de « simples exécutants » et ne passeraient que 20% de leurs temps à manager des équipes - le reste étant consacré pour l’essentiel aux tâches administratives et de production.
Conséquence : une baisse de productivité des entreprises de 16 à 22 %, d’après le BCG.
Des nuages qui s’accumulent
La remise en question sous-jacente du rôle du manager intermédiaire tient à des facteurs qui se multiplient :
- L’arrivée d’une génération Y qui exige que leur manager soit davantage exemplaire qu’autoritaire… ce qui n’est pas donné à tout le monde !
- La montée en charge de l’intelligence artificielle, qui tend à remplacer le middle management pour certaines de ses missions, notamment dans le domaine de la communication. Selon une récente étude de Pega & MarketForce, 72% des managers seniors estiment que l’augmentation de l’utilisation de l’IA et des nouvelles technologies réduisent considérablement le nombre de managers intermédiaires,
- L’évolution vers une plus grande autonomie des salariés,
- La recherche d’une meilleure rentabilité : de même qu’on traque « les intermédiaires », le middle management est largement considéré comme une ressource coûteuse, et la tentation est grande de réduire sa place…
- L’évolution des formations et l’apparition de nouveaux profils :« Les managers commerciaux ne sont plus des super vendeurs montés en grade, mais peuvent venir d'horizons divers, confirme Lionel Deshors, dirigeant du cabinet CCLD Recrutement. Parallèlement, les vendeurs terrain sont de plus en plus experts, doivent faire preuve de hauteur de vue, de créativité, afin de pérenniser la relation client», détaille par exemple Lionel Deshors (CCLD Recrutement).
Pour un management de proximité
Les défenseurs du manager intermédiaire insistent sur l’importance d’un management de proximité, essentiel au succès d’une entreprise « Le management intermédiaire a un grand rôle dans la réussite (…) pour transmettre aujourd'hui, il faut animer son équipe en proximité, autour d'objectifs, l'écouter et surtout libérer les énergies et la créativité », témoigne par exemple Nathalie Balla, coprésidente de La Redoute.
La fonction offre également une vraie chance d’expérimenter des projets à échelle réduite, sans que la prise de risque soit trop importante pour l’ensemble de l’entreprise. « Ceux qui prônent la fin du management oublient que les managers intermédiaires peuvent être de formidables moteurs de l’innovation managériale », illustre ainsi Thibaut Bardon, co-titulaire de la chaire Innovations Managériales, et responsable de la recherche en management auprès d’Audencia Business School.
Enfin, l’éviction du middle management n’assurerait pas un gain de productivité : dans plus de la moitié des cas de restructuration où les postes ont été supprimés, on a constaté une baisse ou une stagnation de la productivité**…
Si le rôle du manager intermédiaire semble se définir aujourd’hui davantage selon les nécessités, la nature, et la taille spécifique à chaque entreprise, son avenir est loin d'être tout tracé. Et vous, qu’en pensez-vous ?
*Retailers axe middle managers
**The Strategic Middle Manager, Steven W. Floyd, Bill Wooldridge