Etre manager en Grande-Bretagne, cela signifie intégrer une pratique professionnelle où la politesse tient un rôle clé – et la détente au pub une place à part. Aurélie, jeune manager française, nous emmène dans sa découverte du management à la mode British.
Focus
Ici, on ne plaisante pas avec l’heure ou l’ordre du jour. Arriver en retard, même d’une minute, est extrêmement impoli. Les plannings sont faits pour être respectés, les engagements aussi. Lors des réunions, les ordres du jour sont suivis précisément, et il s’agit d’être réellement présent et actif – pas d’activité parallèle sur un ordinateur ou un téléphone, pas non plus d’apartés. Chacun s’exprime à son tour. Conséquence, on ne peut vraiment pas joindre quelqu’un lorsqu’il se trouve en réunion.
Efficacité
Les réunions sont codifiées. Il n’est pas question de débattre du bien-fondé d’une idée, mais de faire avancer un projet vers un but. Les débats ont lieu lors de mini-réunions intermédiaires, souvent informelles, ce qui fait que les grandes sessions sont consensuelles et visent à faire le point sur les avancées et les prochaines étapes. Cela signifie aussi que les confrontations ou critiques ont lieu en petit comité, entre deux portes. Le conflit n’a jamais – never– sa place en réunion, on le règle toujours en dehors. D’où la pratique des discussions informelles entre deux meetings.
Pas Anglais : Britanniques !
Pas question de mettre tous les citoyens de Sa Majesté dans le même panier « anglais ». Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne se compose de l’Angleterre (des Anglais, donc), de l’Ecosse, du Pays-de Galles et de l’Irlande du Nord, chacun avec ses spécificités culturelles et historiques. Gare aux susceptibilités ! Dans l’ignorance de l’origine de quelqu’un, mieux vaut utiliser le terme British.
Politesse…
Sous des dehors assez froids et distants, les Britanniques ont parfois des manières qui me semblent très… latines. On m’appelle à tout bout de champ « love », « honey » et « darling », un peu comme au Brésiloù on me disait « coração ». Cela secoue un peu mes collègues américaines averties contre le harcèlement, mais on s’y fait bien, c’est juste gentil. En revanche, chacun gardera des distances physiques assez marquées – à part le premier handshake.
La politesse n’est pas ici un vain mot. Il est extrêmement impoli de ne pas respecter une file d’attente. Mais à savoir aussi, elle implique la discrétion : on reste volontiers en surface, sur des sujets consensuels, on évite les questions personnelles.
En revanche, on fait facilement preuve d’autodérision, on n’hésite pas à verser dans le sarcasme, voire les blagues sexistes ou carrément borderline. Pas toujours facile à suivre !
…et circonvolutions
Ici, contrairement aux Pays-Bas, pas d’expression directe de ses souhaits ou opinions. Je ne dis plus « please do this », mais « would you like to do this »: un néerlandais répondrait oui ou non sans détours, mais un britannique comprendra qu’il s’agit d’un ordre à suivre. On enrobe beaucoup, pour ne pas brusquer, ni paraître intrusif. Mais si on donne un ordre de manière trop ouverte… bon courage pour se faire obéir ! C’est so rude, parce que trop directif. On utilisera donc force formules de politesse, thank you, please, et sorry, sans oublier le would you / like/mind/consider, etc.
Le manager coach
Cette pratique généralisée de manières codifiées influe sur mon rôle de manager. Je cherche à créer de l’harmonie, j’agis comme un coach pour que tous jouent leur meilleur jeu. On n’attend pas de moi que je sois spécialiste d’un métier ou capitaine de vaisseau, plutôt… un milieu de terrain. Je dois chercher le consensus et consulter mes collègues avant de prendre une décision.
Culture pub
Si les britanniques envient l’habitude française d’un déjeuner équilibré, ils la considèrent aussi comme une perte de temps. Pause-café et déjeuner ne sont donc pas des moments de socialisation : ainsi, pour une négociation, on préfèrera prendre un verre au pub que partager un repas. Ici, comme aux Pays-Bas, on travaille en continu pour rentrer tôt chez soi.
Le pub est incontournable dans la vie d’une équipe : nous allons tous prendre un verre au pub le jeudi ou le vendredi soir – j’ai vite appris à ne plus programmer de réunions le vendredi matin. C’est là que la pression redescend et que l’on se dit les choses plus directement - toujours avec humour. Mais de retour au bureau, le retour à la normale est immédiat – comme si chacun cultivait deux visages ?
« Tribulations d’une manager française à l’étranger » est une série fiction relatant les expériences internationales d’Aurélie. Cette jeune manager d’une trentaine d’années dirigeait aujourd’hui une équipe à Londres. Retrouvez les autres aventures d’Aurélie à l’étranger :