Singapour, minuscule état péninsule d’Asie du Sud-Est, est un melting pot de Chinois, d’Indiens, de Malais et d’occidentaux. Une variété qui présente malgré tout quelques traits saillants.
La diversité n’exclut pas l’unité : dans le monde des affaires à Singapour c’est la culture chinoise qui prédomine. Elle offre les caractéristiques confucéennes classiques : la recherche de l’harmonie sociale, une hiérarchie très marquée qui s’accompagne d’un fort respect du pouvoir, et l’importance des réseaux de relations professionnelles.
Le chef décide, les collaborateurs exécutent
En tant que manager, je suis plutôt… chef ! On me témoigne un respect démonstratif. J’ai essayé d’installer une notion de management participatif, peine perdue – à chaque fois j’ai senti les équipes perdues, ne sachant que faire. Car elles attendent de moi de prendre les décisions assorties de consignes claires, pour les exécuter immédiatement et sans discussion. Résultat, je me sens un peu seule à la barre parfois. Il m’a fallu du temps pour établir un climat de confiance, et beaucoup encourager positivement l’expression personnelle. Mais la place pour l’initiative individuelle reste très étroite.
Les réunions de travail sont donc des réunions d’information, où le manager fait part de ses décisions et transmet ses instructions, sans débat ni commentaires. J’avoue que j’aimerais un peu plus de partage, de discussions ouvertes où l’on pèserait ensemble le pour et le contre. Car il faut avoir sacrément confiance en soi et en ses décisions dans de telles conditions !
Dignité bien partagée
Le risque de « perdre la face » n’est pas un mythe. Il exige à chaque instant une grande finesse psychologique. Le moindre sentiment d’humiliation, même très léger, est ici extrêmement mal vécu. En présence d’une tierce personne, je me garde de ne faire aucun commentaire négatif sur le travail ou le comportement des membres de mes équipes.
J’ai suivi une formation pour décrypter le « body language » et les expressions du visage, qui en disent (partout !) souvent plus que les mots. Au quotidien cela m’aide à gérer ce risque et à toujours laisser une porte de sortie honorable à mon interlocuteur.
La notion de dignité fonctionne pour tout le monde : j’ai fini par comprendre que si on ne me posait jamais de questions pour comprendre mieux un projet, c’était parce que cela signifierait que je l’ai mal expliqué ! Plutôt que de risquer d’exposer une telle faiblesse de ma part, ils préfèrent s’interroger et trouver ensemble une solution… en dehors de ma présence. Désormais je m’applique à fournir par écrit beaucoup de détails et d’explications sur ce que j’attends de mes équipes, pour limiter leur incertitude.
Loyauté et astrologie !
Je constate que les managers singapouriens, souvent plus âgés, affichent facilement une attitude envers leurs subordonnés qu’on taxerait ailleurs de paternaliste. Ils s’impliquent dans leurs vies au-delà des relations strictement professionnelles, connaissent leurs familles, les aident à trouver un logement, à résoudre leurs problèmes de santé, etc. Cet intérêt holistique pour le collaborateur représente une forme de remerciement pour la loyauté et l’implication de l’employé dans l’entreprise.
Dernière anecdote : pour fixer la date de signature du contrat, mon partenaire (chinois) a commencé par consulter un astrologue. Il voulait mettre cet accord sous de bons hospices. C’est apparemment assez fréquent.
« Tribulations d’une manager française à l’étranger » est une série fiction relatant les expériences internationales d’Aurélie. Cette jeune manager d’une trentaine d’années dirigeait aujourd’hui une équipe à Londres. Retrouvez les autres aventures d’Aurélie à l’étranger :